La Libération de Millau

Anniversaire. Ce dimanche, Millau célèbre le 60e anniversaire de sa Libération. En complément des cérémonies officielles, une exposition exceptionnelle va saluer l’événement dont la mémoire reste toujours vive.

22 août 1944 : la Libération

Le maquis Roland entre dans Millau.

«La flamme de l’espoir venait d’être ravivée»

Témoignage d’un Millavois

Avoir huit ans en 1944 signifie que les souvenirs que l’on peut avoir de cette période manquent sans doute de précisions et restent assez flous dans les détails.Mais en recoupant cette mémoire quelque peu défaillante et ponctuée immanquablement de blancs, avec les témoignages de ceux qui, acteurs, militants, ont participé aux événements rapportés, on donne à coup sûr plus de crédits et surtout plus de consistance, d’objectivité et de véracité à cette relation.

Les Millavois se souviennent qu’à partir du 15 août 1944 les événements en France, dans une agitation générale, vont s’amplifier et se bousculer: l’intensification alliée dans le Nord, le succès du Débarquement, la multiplication des sabotages et la lutte des mouvements e Résistance. Avec l’appréhension que les Allemands, pris au piège, dans leur mouvement de retraite, ne commettent des exactions.

Il faisait beau et clair ce 22 août 1944 sur notre ville. Pourtant ses habitants étaient restés enfermés. La nuit avait été agitée, bruyante de claquements de bottes, d’appels et d’ordres guttureaux, de vrombissements de moteurs, de roulements de chenilles. Tout ce martèlementconfirmait le départ de la ville des unités allemandes. Le silence qui avait suivi était lourd, inquiet. On restait attentif, soupçonneux derrière les volets. On était aux aguets, de peur d’un faux départ... ou d’un retour imprévu. Contrairement à ce que l’on avait redouté, les Allemands, avant de partir, n’avaient commis aucune destruction, aucun pillage, ni a fortiori aucune action de représaille. Dans la matinée arrivaient en ville en camions par l’avenue du Crès des membres des mouvements de Résistance, munis de leurs brassards tricolores ou leur uniforme marqué du signe FFI ou FTP.

Petit à petit, l’effervescence et une excitation bien compréhensible s’emparèrent de tous les quartiers de Millau. Dans ce tourbillon d’allégresse qui gagnait l’ensemble de la population, les autorités n’avaient pas oublié l’hommage que l’on devait rendre à ceux, connus ou inconnus, qui ne pouvaient ou ne pourraient jamais connaître cette joie débordante, intense ressentie par tout le monde.

Liesse populaire

Des gerbes furent déposées au monument aux morts, alors place du Mandarous. Beaucoup de Millavois se sont alors retrouvés silencieusement et dans une parfaite dignité sur la place et le sous-préfet Francis Laborde fut choisi par les représentants des mouvements de Résistance pour déposer, en leur nom, la gerbe dédiée à leurs camarades. Il apporta ainsi six gerbes, signe d’union proclamée de toute la résistance. Rappelons également que grâce au sous-préfet, le commandant allemand de la place de Millau, le commandant Vöegels, avait remis aux autorités françaises, avant de partir, les dépôts de vivres, de matériels et de carburant disséminés dans la ville, intacts, « à condition qu’on les fasse garder pour éviter tout pillage. »

Les gardes de ces fameux dépôts, qui avaient fourni le ravitaillement d’une bonne partie des troupes allemandes du front de Méditerranée, furent assurés, comme convenu, par le sous-préfet Laborde. Une véritable chance pour les Millavois car il y avait là de grandes quantités de vivres et denrées de toute sorte (farine, pâtes, beurre, conserves, légumes secs, pommes de terre, etc.). Ces dépôts furent mis à la disposition du commissaire de la République qui accueilli cette nouvelle avec satisfaction, alors que la disette et la pénurie alimentaire sévissaient dans le pays. Ainsi, après la Libération, les besoins de premières nécéssité purent être couverts. Comme il avait été convenu, les Allemands n’opérèrent aucune destructions et les gendarmes prirent possession des stocks de la Kommandantur.

L’après-midi fut marqué, entre autres par le spectacle, place du Mandarous, de quelques femmes tondues pour « collaboration horizontale, comme on disait. Dans la soirée se répandit brusquement la nouvelle qu’une colonne blindée allemande venant du Tarn se dirigeait sur Millau. Et cela alors qu’une très grande liesse régnait en ville. Cette annonce fit l’effet d’une bombe et en quelques minutes la foule se dispersa et les drapeaux et guirlandes disparurent en même temps.

Le lendemain, après la fin de l’alerte, l’atmosphère était à nouveau joyeuse et si certains avaient pu faire preuve d’une attitude inquiétante et agressive, ils avaient retrouvé leur calme. Hélas, on apprenait bientôt du Larzac qu’un camion du maquis de Saint-Affrique était tombé à La Pezade sur les unités allemandes venant de Millau et que des malheureux et très jeunes résistants avaient été abattus sur place, à la mitraillette. Comme une terrible offrande à la Libertéretrouvée...

Tous les témoignages concordent pour reconnaître que les Millavois ont réservé à leurs libérateurs, en ce 22 août 1944 une journée à la fois sobre et éclatante, teintée d’une émotion réelle, palpable mais aussi pure et sincère. Un événement suffisamment fort pour reléguer dans l’ombre les inquiétudes et appréhensions qui étaient apparues dans les jours précédents. La flamme de l’espoir venait d’être ravivée. Un moment unique dans l’histoire de Millau, un jour historique pour toute une population unie autour des valeurs essentielles : la démocratie, la justice sociale, l’esprit de liberté et la paix.

Anecdote

Les maquisards et les chaussures de sports

Comme tout grand événement, il y a la grande Histoire et la petite histoire. Celle-ci est bien souvent faite d’anecdotes. Nombre de Millavois ont la leur. Ainsi R. M., qui était à l’époque commissaire-assistant aux Chantiers de Jeunesse à Aguessac, mais passé au maquis Arête-Saule du Docteur Testor avec tous les cadres des chantiers.

« Le colonel Journet avait demandé au directeur départemental aux Sports en poste à Rodez, M. O. qui allait être destitué, de récupérer tout le matériel de sport que j’avais fait stocker courant juillet au collège de Millau (skis, raquettes à neige, chaussures à crampons, javelots, etc.). M.O. me donne mission de me présenter à la mairie investie par les FFI, où je suis reçu par M. Dutheil, maire resté en poste car Résistant mais sous le contrôle des responsables FTPF dont le commandant Aldoza. J’obtiens l’autorisation, signé par Dutheil et Aldoza, et le colonel Journet m’envoie deux camions GMR qui suffiront à peine. Contre un reçu, j’accepte de laisser pour l’Alpina quelques paires de skis, raquettes, etc. Je téléphone ensuite à Rodez pour leur dire mission accomplie et je vais me coucher à Aguessac où ma femme est seule avec notre bébé. Je devais rentrer à Rodez le surlendemain. Le PC de Journet m’appelle au collège de Millau et m’annonce que les GMR sont bien rentrés à Burloup... mais vides. L’explication : Aldoza avait fait stopper par ses hommes armés les deux camions militaires en haut de la côte du Crès. Et c’est ainsi que l’on a vu pendant plusieurs jours des jeunes maquisards, encore en guenille mais chaussés d’espadrilles, de chaussures à crampons ou de vêtement spécialisés. »

 

 

Le maquis Roland entre dans Millau.

 

Perpétuer le souvenir

Le 60e anniversaire de la Libération de Millau, qui sera commémoré demain avec toute l’attention que l’on porte lorsque l’on célèbre six décennies, sera sans doute l’occasion de marquer un tournant dans l’appréhension du devoir de mémoire que l’on invoque chaque année devant les monuments et stèles qui jalonnent nos squares et nos routes départementales. En effet, les témoins directs et acteurs de la seconde guerre mondiale, pour les plus jeunes d’entre eux, abordent leurs quatre-vingt printemps et, à l’instar des vétérans de la première Guerre mondiale, ne seront plus là dans les années à venir pour donner corps et voix à ces événements dont les cicatrices restent encore, parfois, vives.Puissent les cérémonies de ce mois d’août permettre cette prise de conscience et susciter, certes chez les plus jeunes, mais aussi dans les rangs des enfants du baby-boom, génération intermédiaire, l’envie d’incarner la relève pour que se perpétue le souvenir d’événements à la fois si loin et si proches.
Philippe Rioux

   

Introduction

Présentation de l'exposition de Millau

Textes et photos de l'exposition

Repères chronologiques

La Libération de Millau

Le combat de la Pezade

Cérémonie de la Pezade

Bibliographie et liens

 

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