Textes et photos de l'exposition de Millau

 

La constitution de l’Etat-Major FFI

Comme pour l’opération Overlord, le débarquement de Provence nécessite la mise en action des forces de la Résistance. Le 14 août vers 21 h 35, les responsables de la Résistance sont prévenus du débarquement : «  Ne bousculez pas l’estropié - le saindoux est mauvais – l'apprenti fait des vers – l’agneau est téméraire » sont les messages qui déclenchent le sabotage des voies ferrées, des routes, des communications, et l’intensification des actions de guerilla.

C’est à Saint-Georges-de-Luzençon que se tient la réunion constitutive d’un Etat-Major départemental des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Le Commandant Richard devient le commandant départemental FFI, avec deux adjoints, le Commandant Charles pour les FTPF et le commandant Puget pour l’ORA. Le Colonel Benoît dirige le secteur nord, le secteur sud est commandé par le colonel Devillers. C’est au PC de ce dernier, situé à Tournemire, que les commandants de l’Etat-Major FFI ont rejoint en train, qu’ils prennent connaissance du message radio annonçant le débarquement. Les ordres au maquis sont aussitôt rédigés, les agents de liaison partent les uns après les autres, prescrivant l’application des plans de sabotage vert, bleu, violet, tortue, guerilla.

 

Le maquis Roland entre dans Millau.

 

Les sentiments de l’opinion publique

Les archives départementales de l’Aveyron témoignent de l’état d’esprit de la population face aux combats qu’engendrent ces harcèlement incessants de l’occupant « les troupes allemandes se replieront-elles dans l’Aveyron et des combats auront-ils lieu sur le sol du Rouergue ? Les FFI de l’Aveyron ne vont-ils pas livrer combat aux troupes d’occupation ? Déjà ils ont coupé deux routes, quelle sera la réaction (…) ? Les maquis sauront-ils au moment de l’occupation des centres urbains, tels que Rodez, Millau, où ils n’ont pas pris de contacts, faire preuve de modération dans l’épuration qu’ils envisa-geraient ?(…). L’idée qui prédomine dans l’opinion publique est qu’à brève échéance, le pays sera libéré des armées allemandes ».

 

Liste des FFI inscrit au service social de l'Armée.

 

Le repli de l’occupant

Le 18 août, les troupes allemandes de Rodez, composées de blindés et de véhicules légers, mais aussi de troupes à pied, évacuent la ville en direction de Pont de Salars et de Millau. Le trajet s’étale sur  deux jours, en raison des embuscades organisées par l’état Major des FFI, et les maquis ftpf, au Bois des Tries, à St Léons, et au Bois du Four.

Vers 12 heures, au Bois des Tries, une trentaine du maquis Arêtes-Saules  à Coursac attaque la colonne partie le matin de Rodez. Avant 15 heures, une cinquantaine du maquis Coudols engage le combat avec une importante formation de l’occupant partie de Millau pour porter secours à la colonne bloquée au Bois des Tries. Le lendemain 19 août, vers 13 heures, un autre groupe du maquis Arêtes-Saules , s’oppose à plusieurs véhicules blindés venus de Millau pour ouvrir la voie aux troupes à pied venues de Rodez, cibles initiales de cette action. En représailles, tout au long du trajet, les exactions des nazis sont innombrables et d’une sauvagerie sans nom, contre les populations civiles.

 

Le massacre de Sainte-Radegonde près de Rodez.

 

La libération de Millau

La présence d’importantes troupes Allemandes, à Millau, dans la soirée du 21 août, est attestée par le relevé des communications téléphoniques du SR d’Entraygues. Le 22 août vers 5 heures du matin, les millavois entendent partir de lourds camions emportant les dernières troupes d’occupation., Léon Azaubert est tué par les tirs d’un groupe de soldats, alors qu’il assistait, sur l’avenue du Pont Le Rouge, au départ des derniers Allemands de Millau. A 8h30, l’arrière garde de la colonne allemande, en retraite depuis Rodez, quitte Millau amenant avec elle les 800 hommes de la garnison (une partie du 13e Régiment de la Luftwaffe et une unité de l’Ost Légion) et, à La Cavalerie, les 250 hommes de l’aérodrome du Larzac. Le Messager de Millau écrit que ce jour-là, «  à partir de huit heures , les cloches de la Ville s’ébranlent et chantent joyeusement la libération, les maisons se pavoisent et la population en fête quitte son travail pour assister aux diverses manifestations de la journée ». Le maquis Roland quitte son cantonnement d’Azinières, à onze Kms de Millau, et entre dans la ville à 8h45. Selon de nombreux témoins, il y reçoit un accueil triomphal. Vers midi, d’autres maquis font leur entrée dans la ville sous les applaudissements frénétiques et les acclamations d’une foule en liesse, ignorant sans doute encore que la veille un dernier drame vient d’avoir lieu à La Pezade.

 

Le massacre de Sainte-Radegonde près de Rodez.

 

Retarder et harceler

Pourchassée, harcelée et morcelée, la colonne allemande est considérablement affaiblie ; elle n’en reste pas moins militairement puissante. Ses avant et arrière-garde sont constituées de blindés et certaines de ces unités sont aguerries, disciplinées et puissamment armées. Dans la journée du 22 août, elles sont harcelées par divers groupes de maquisards et par deux avions américains volant en rase-mottes. Un de ces avions sera abattu et son pilote enterré aux Infruts. Mais Alger a demandé d’enfermer les Troupes d’occupation allemandes dans la nasse aveyronnaise et, à cette fin, de saboter le goulet d’étranglement rocheux constitué par le Pas de l’Escalette.

Dans la matinée du 21 août, le lieutenant Peys et le groupe de sabotage du maquis Paul Claie effectuent cette dangereuse mission.

 

Le massacre de Sainte-Radegonde près de Rodez.

 

Le combat de La Pezade

Sur le chemin du retour, le groupe de 23 maquisards s’arrête au Caylar pour se ravitailler. Des unités allemandes passent fréquemment en direction de Saint-Pierre-de-la-Fage ; aussi les villageois terrorisés insistent pour que le commando parte au plus vite. Mais, probablement dans l’exaltation de la Libération considéré déjà comme acquise, les hommes ne veulent rien entendre, ni conseils, ni recommandations… Plutôt que d’éviter le contact en passant par le village des Rives, ils partent à la recherche des Allemands. Ils rembarquent dans leurs véhicules et se dirigent vers l’embranchement de Cornus. Dans la soirée, l’inévitable affrontement se produit avec un détachement allemand à La Pezade, au nord du Caylar, à la frontière de l’Aveyron et de l’Hérault. Le groupe : dix Aveyronnais, douze originaires d’autres départements et un déserteur russe, est totalement anéanti après un bref combat. Les troupes allemandes achevent les blessés et mutilent les corps. D’après l’indication fournie par André Roucayrol, le registre des décès de la ville de Saint-Affrique mentionne la date du 21 août comme celle des morts de la Pezade. Un rapport de l’OSS daté du 22 août, évoque le combat de La Pezade de la façon suivante : « Une patrouille FFI qui parcourt la région contrairement aux ordres donnés, tombe dans une embuscade et perd 27 hommes ». Le 23 août, toujours dans le secteur de La Pezade, des éléments de troupes allemandes sont pris à partie par une section du maquis des Corsaires.

Désormais, la colonne en retraite évite la RN 9 et préfère emprunter les routes secondaires pour gagner la plaine. Lors de ces déplacements, les troupes allemandes procéderont à des actes de pillage et de vandalisme. Ce fut notamment le cas à La Couvertoirade. Dans la soirée du 23 août, le Groupe Léger n° 1 du maquis Paul Claie, lors d’une embuscade, attaque un fort groupe d’Allemands qui, pour éviter le Pas de l’Escalette, se dirigeait vers Montpellier par la route de Saint-Pierre-de-La-Fage. Au cours d’une action d’un quart d’heure, les Allemands ont des morts, des blessés et quatre camions détruits.

Après le départ des Troupes d’occupation allemandes, le maquis Braig occupe le camp du Larzac. Dans les jours suivants aidés par les employés du camp et par des spécialistes mécaniciens autos, les hommes de ce maquis remettent en service la station de pompage d’eau et les lignes téléphoniques, notamment la ligne La Cavalerie-Lodève.

 

Les enfants de Millau rendent hommage aux tués de Sainte-Radegonde.

 

Résistants et maquis

Avant l’automne 1942, il n’existait dans l’Aveyron ni structure d’accueil ni maquis constitué capable de combattre efficacement. Devant le manque patent d’encadrement, en 1942 et 1943, de nombreux Résistants s’engagèrent dans les maquis des départements limitrophes, avant de revenir en Aveyron durant la fin de l’hiver 1943-1944, lorsque se constituèrent les premiers maquis. Le chef de l’Armée Secrète du département , Léon Freychet, le précisera : « l’année 1943 fut une année de coordination et de mise en place, de recrutement , d’encadrement, de répartition des missions, d’étude d’objectifs , de constitution de stocks, d’établissement de liaisons ; pas d’actions en dehors des coups de main destinés à procurer à l’AS quelques armes et explosifs » . Etat des lieux confirmé par les Renseignements Généraux (du gouvernement de Vichy) le 30 mars 1944. « aucune organisation terroriste n’existe à Rodez. Dans la région de Millau et de Ste Affrique, la situation est diverse, embrouillée et sans unité d’action. ».

De fait, la moitié des cadres du maquis Rolland y parviennent en mai et juin 1944 ; le maquis de Séverac, dissocié en mars 1944 par la Gestapo, se reconstitue dès le mois de juin.

 

Le maquis Roland entre dans Millau.

 

Une pépinière de maquis

Le choix de l’Aveyron comme département-refuge pour de très nombreux réfugiés et fugitifs, pour les réfractaires au STO, et pour les éléments de résistance s’explique par des raisons géographiques, en particulier la nature montagneuse et boisée du département, et tactiques, les troupes d’occupation contrôlant avec des effectifs importants l’axe stratégique Toulouse-Narbonne-Nîmes-Avignon. Il était donc plus sage de refluer dans des zones où l’implantation militaire nazie était plus diluée. C’était le cas du Rouergue, où à l’exception des centres urbains, la présence occupante était moins pesante que dans les autres départements du sud de la France.

L’Aveyron constitua, cacha, ravitailla ainsi à partir de 1944 de nombreux maquis plus puissants que précoces, assez bien répartis sur son territoire .

 

Un groupe du maquis Roland.

 

Combien de résistants ?

La réalité statistique est bien difficile à cerner. En recoupant les sources disponibles et les témoignages, on peut estimer la population combattante à un petit millier au début de 1944, et à une dizaine de milliers à la fin août 1944. L’addition des effectifs fournis par les chefs de maquis à la libération se décompose comme suit : 1467 pour le maquis Du Guesclin, 2800 pour le maquis d’Ols, 450 pour le maquis Paul Claie, 550 pour le maquis Antoine, 650 pour le maquis Arêtes-Saules, 500 pour le maquis de Durenque, 500 pour les commandos Hubert, 420 pour les guerrilleros espagnols Salvador, plus de 200 pour les maquis Bayard, Rolland, Jean-Pierre…dont les effectifs quintuplent de juin à août 1944.

Le maquis Rolland, qui libère Millau le 22 août, est composé de 35 hommes le 8 juin, d’une centaine le 17, de 130 le 16 août, et de 221 à la libération.

En effet, l’annonce du débarquement du 6 juin, et plus encore de celui du 15 août en Provence, provoquent le départ pour les maquis d’un nombre considérable de volontaires souvent en attente dans des fermes ou des caches depuis plusieurs mois .

Mais n’oublions pas non plus que Résistants d’une part et troupes nazies, milices, Brigade de l’Intendant Marty de l’autre ne s’affrontaient pas dans un désert, et que la population aveyronnaise ne restait pas inactive : Les maquis aveyronnais ont été soutenus moralement et matériellement ; sans cette aide, leur survie aurait été tout bonnement impossible.

 

Des soldats ukrainiens qui ont participé à la Libération de Millau.

 

Des maquis tardivement armés

De nombreux témoignages attestent qu’il en a été de même dans tous les maquis de l’Aveyron : Avec un armement plus abondant, le Lt-Colonel Journet de l’AS Nord-Aveyron indique qu’il aurait pu recruter «  trois ou quatre fois plus de monde ».

Ce n’est qu’au début du mois d’août que les parachutage permettent au Commandant Richard, Chef départemental de l’AS, de répartir l’armement au fur et à mesure des parachutages , et selon les possibilités. Quel que soit le maquis, il y avait beaucoup plus de demande que de réceptions d’armes et de munitions. Ainsi le maquis de Coudols, ou maquis Alfred Merle, constitué en avril 1944 autour de St Laurent du Lévézou, ne possédait en mai et juin qu’un armement incomplet, 40 armes pour 90 hommes, et uniquement des armes individuelles, fusils, revolvers, mitraillettes.

Dans le Nord-Aveyron, quelques rares maquis possèdaient un armement plus complet, par exemple le maquis Du Guesclin, grâce à la veille  permanente d’une zone de parachutage « de récupération », le terrain Nurse (indicatif lettre U et message « mon oreille est rouge ») situé au sud de Lunac. Lors d’un parachutage, un avion larguait de 18 à 20 containeurs, contenant mitrailleuse lourde, mitrailleuse légère, mortiers, fusils-mitrailleurs, mitraillettes Sten, fusils et grenades, des mines, du plastic, des revolvers, les munitions pour ces armes, trois postes radios sur piles de l’armée américaine.

   

Introduction

Présentation de l'exposition de Millau

Textes et photos de l'exposition

Repères chronologiques

La Libération de Millau

Le combat de la Pezade

Cérémonie de la Pezade

Bibliographie et liens

 

 Rédaction du sud Aveyron - Agences de Millau et Saint-Afffrique
8, rue de la Liberté - 12100 Millau - Tél. 05 65 60 01 08 - Fax 05 65 60 45 22
E-mail :
ddm12@fr.vu - www.ddm12.fr.vu
Conception et mise en page : Philippe Rioux