La Dépêche en sud Aveyron

27.6.04

Edition du dimanche 27 juin

Politique
Pour l'opposition municipale

Comptes 2003 : mauvais cru

Le dernier et très chargé -56 délibérations - conseil municipal de Millau a approuvé, ce vendredi soir, les comptes administratifs et de gestion des budgets principal et annexes. Après la longue litanie de chiffres annoncée par Jules-Marie Guibert, adjoint aux Finances, Véronique Galtier (Alternative de gauche) dénonce un « budget catastrophique, injuste. » Guy Durand, chef de fille de l’opposition, enchaîne alors en estimant que « 2003 n’est pas un bon cru pour la ville de Millau » et en articulant son propos autour de trois axes.
« Mauvais cru pour l’investissement puisque la Ville a dépensé 10,5 M€ contre 18 prévus dans le budget primitif.Idem d’ailleurs à la communauté de communes: 6 M€ contre 11 prévus.Quand on agrège, cela fait un tiers en dessous de ce qui était prévu, ce qui est très ennuyeux dans cette période », analyse l’élu faisant référence à l’achèvement imminent du viaduc. « On est à contre-rythme, on investit moins que d’habitude et moins que prévu »
Second axe: « Mauvais cru pour les associations. » « Si l’on excepte la subvention du CCAS, les subventions ont baissé.C’est un choix; il y a des conséquences visibles sous nos yeux, même électorales.Beaucoup d’associations sont à la limite de la rupture financière; beaucoup sont démobilisées et se sentent abandonnées par la Ville », estime M. Durand, citant comme « caricature » le théâtre de la Doline, dont les subventions promises sont sans cesse repoussées.
Enfin, troisième axe: « Mauvais cru pour le social. » M. Durand réitère là sa critique de la « cagnotte » du CCAS qui a thésaurisé 320000 € sur les 1,42M€ de subvention municipale. « Cela dure depuis trois ans alors que le travail du CCAS est de dépenser jusqu’au dernier euro », plaide M. Durand.
du matelas à la carpette
Comme souvent, son intervention est suivie d’un très long silence avant que la majorité municipale ne réponde. Christophe Saint-Pierre, adjoint à la Culture, assure que sa commission « accompagne toutes les associations » et que celles-ci n’ont pas subi de baisse de subvention.Tandis que Jacques Godfrain tente de faire glisser le débat sur l’attitude de Georges Frêches - qui a annulé plusieurs subventions du conseil régional de Languedoc-Roussillon - M. Saint-Pierre s’énerve. « On nous accuse de demander une foule de justificatifs aux associations mais quand c’est Alain Fauconnier qui le fait, c’est, normal et légal. »
Joëlle Rives, adjointe à la Solidarité, renchérit. « Les associations ne sont pas pénalisées à cause de la commune », martèle-t-elle avant de dénoncer l’idée de cagnotte au CCAS.« Ce fameux matelas; il va se retrouver en carpette! Car on a d’énormes besoins.On n’a pas réalisé des travaux, il y a donc des excédents.Ce sont juste des reports, il n’y a pas de volonté délibérée de mettre de l'argent de côté », déclare l’élue. « À force de dire que le CCAS a de l’argent, on reçoit des gens qui ne comprennent pas pourquoi on ne leur en donne pas. Vous les intoxiquez! Faire du social, ce n’est pas distribuer 3 francs 6 sous. » Les comptes administratifs et de gestions ont été adoptés, l’opposition votant contre.
Ph.R.

La phrase du jour en conseil
À propos de Naulas, Pierre Cassan, adjoint à l’Urbanisme, a lancé le plus sérieusement du monde.« Il y a une règle immuable: toutes les villes se développent vers l’ouest; » Et devant une assemblée hilare, Jacques Godfrain de renchérir: « C’est vrai, c’est une tenda nce mondiale: toutes les villes se développent à l’ouest; c’est prouvé scientifiquement. »


Justice
Au tribunal correctionnel

L'aventura des vendetta

Pour l’une de ses dernières audiences avant les vacances, le tribunal correctionnel de Millau a plongé, vendredi après-midi, dans une véritable tragi-comédie shakespearienne ayant pour toile de fond la communauté des gens du voyage. Cette pièce aux nombreuses ramifications qui prenait parfois des allures de « Pulp fiction » se déroule en trois actes durant une même journée, le 17 mai 2003.La présidente Briand murmure le rappel des faits devant trois colosses âgés de 23 à 26 ans qui comparaissent pour violences aggravées.
Le premier acte se déroule à Albi vers 11 heures. Selon la vieille règle qui veut que le fils venge le père, Mike D. décide de rendre visite à Michel D. qui, quelques jours plus tôt et en public - suprême outrage - a frappé son père Jacob D. au cours d’une altercation. La vengeance est sans ambages: Mike tire trois coups de pistolets dans la jambe de Michel, qui se retrouve infirme à vie. Le blessé est conduit à l’hôpital d’Albi, notamment par ses trois fils, surnommés Bullet, Riton et Willy. Ces trois molosses - les prévenus - décident eux aussi d’appliquer la fameuse règle, enclenchant la seconde vendetta.

« Tue-le! »
L’acte deux peut commencer.A 15 heures, les trois frères, leur beau-frère et leur sœur partent à bord de deux véhicules en direction de Millau où ils pensent trouver Mike et Jacob. Sentant sans doute les représailles arriver, ce dernier en oublie la foire de Millau, part à pied du camp gitan millavois vers la gare... et embarque dans le premier train pour Alès, puis Marseille.
Sur ces entrefaites arrivent les Albigeois en colère qui ne trouvent ni Mike, ni Jacob... mais Michel, le neveu de Jacob. Pensant qu’il sait où se trouve son oncle, deux des trois frères passent Michel à tabac tandis que le troisième va chercher un fusil 22 long rifle. « Tue-le » entend alors dire la compagne de Michel qui s’interpose, permettant à son ami de prendre la fuite. Michel prend ses jambes à son coup et dévale un talus en direction du Tarn.Las. Un coup de feu retentit.Puis un autre.

12 plombs dans le dos
Il est blessé au dos mais parvient à traverser la rivière et se réfugie chez une habitante de Creissels qui alertera les pompiers. Tandis que les policiers arrivent au camp - et en repartent aussitôt sans vérifier quoi que ce soit après qu’ont leur a dit qu’il ne s’agissait que de pétards (sic) - Michel est conduit aux urgences où il est reçu par le docteur... Jacob. Perplexité dans la salle d’audience avec l’arrivée de cet homonyme. Radios en main, le médecin constate que douze plombs ont touché Michel. Il ne lui en enlèvera qu’un seul et prescrira un jour d’ITT. Apeuré, Michel se réfugiera au commissariat puis partira à Rodez, persuadé d’être plus en sécurité. Fin de l’acte II.
Dans l’acte III, les trois frères étaient prêts à aller à Rodez achever leur vendetta mais ils seront interpellés avant.
À la barre, ils apparaissent aussi forts que peu diserts; l’un conteste sa présence à Millau, les autres expliquent y être allés pour récupérer la caravane de leur sœur.Michel les désigne formellement comme ses agresseurs.
Son avocat, Me Cabanes, familier de la communauté gitane, s’emporte.« Dans la grande tradition, ils vont dire qu’ils n’ont jamais participé à de tels faits mais le faisceau d’indices de culpabilité est réuni. Vous êtes impressionnants, vous êtes des masses physiques, de violences, d’agressivité, mais vous n’êtes pas courageux », tonne l’avocat.
« Cette affaire, c’est un peu famille je vous hais », commence le substitut du procureur, Particulièrement en verve, David Zouaoui, reprend point par point les faits et développe la thèse de « la vengeance pure et simple, oeil pour oeil, dent pour dent », égratignant au passage le travail du docteur Jacob et des policiers. Il requiert deux ans de prison dont six mois avec sursis pour chacun des trois frères.

L’amour au mondial
Me Dubuisson, avocat du trio, va habilement immiscer le doute dans le dossier pour plaider la relaxe. Faisant observer tout d’abord que l’agresseur du père du trio, Mike, a été condamné à Albi à 6 mois de prison, Me Dubuisson fustige « les présomptions du procureur », la faiblesse des éléments matériels (pas de douilles saisies, pas de traces de sang découvertes) et de l’enquête (pas d’identification formelle). Et d’évoquer une vendetta... à l’envers, Michel ayant pu en vouloir aux trois frères dont l’un a été l’amant de sa compagne « pendant le mondial de boules. »
« Voulez-vous, Mme la présidente, une vendetta éternelle?L’apaisement est parfois préférable à la sanction; la poignée de main valant autant qu’une bénédiction », termine Me Dubuisson.
Délibéré le 28 août.
Philippe Rioux