La Dépêche agri

3.7.06

Sud Aveyron : cinq ans de sécheresse


Le sud Aveyron a soif, oublié de la pluie pour la cinquième année consécutive. En même temps que le Tarn et ses affluents qui n'ont connu si bas débit depuis au moins trente-sept années, l'agriculture souffre. « Cela arrive de plus en plus tôt. Nous avions coutume d'avoir un mois de sécheresse, bientôt, nous allons en avoir trois. Moralement, c'est dur, ça déprime tout le monde, même si nous sommes conscients que nous allons devoir nous y habituer, que ce n'est pas passager. À force de parler d'effet de serre… », commente Jean-Pierre Verlaguet, secrétaire général de la FDSEA, éleveur de brebis dans le Saint-Affricain. Il note que les premières récoltes, même si elles sont irrégulières d'un coin à l'autre, ne sont pas engageantes. « Déjà, 20 à 30 % de moins que l'an dernier qui avait été une année dramatique », s'inquiète, à son tour, Thierry Contastin, agriculteur dans le Lévezou, où l'on enregistre la quatrième année de sécheresse, et cela commence à devenir préoccupant dans le haut Lévezou.
BÊTES À L'ÉTABLE
Il espère « quelques orages qui feront peut-être reverdir quelques pâturages et permettraient de laisser les bêtes dehors. Il n'a pas plu et nous avons, de surcroît, beaucoup de vent qui sèche encore plus. Il n'y a plus rien à manger dehors et nous avons déjà commencé à rentrer les bêtes dans les étables… quinze jours à trois semaines plus tôt que l'an dernier ! Nous les avions déjà sorties tard, à la mi-avril seulement, parce qu'en altitude, l'herbe ne pousse pas vite. On est à peine à la mi-juin, le printemps est très, très court ». S'il sort ses brebis une paire d'heures par jour, un de ses voisins a renoncé, lui, à faire pâturer ses vaches dans les parcours.
« Nous entamons les stocks d'hiver », constate l'éleveur. «Du coup, déjà, on envisage, ici, l'achat de nourriture pour le bétail». Une action collective, individuelle ? « Les équipes syndicales vont se retrouver cette semaine pour le décider », annonce Thierry Contastin. Il souligne un manque de trésorerie avec la sécheresse récurrente. « Les gens vont peut-être acheter un peu mais surtout réduire leur troupeau ». Certains commencent déjà à vendre les bêtes les moins productives. « On les réforme beaucoup plus rapidement que les années où il y a du foin de manière à conserver un outil en état de produire mais on ne peut pas les vendre toutes », relève J.- P. Verlaguet. « J'ai eu jusqu'à 420 brebis, aujourd'hui, j'en ai 350 et je vais tomber à 300. Si encore j'étais un cas isolé... mais sur mon canton, ce sont 20 à 30 % des bêtes qui vont partir à la foire. Les finances sont à sec. On attend pour s'approvisionner en fourrage », témoigne Yves Salgues, de Vezins, dont le voisin s'est défait de sept vaches sur un troupeau de trente. « On doute de notre capacité à faire encore ce métier. Dès que l'on sème une prairie, c'est l'échec. Il y a des exploitations qui ont cessé leur activité et personne ne veut les reprendre. L'agriculture ne sera pas seule à souffrir de la disparition de productions. L'emploi aussi en pâtira ».
Gladys Kichkoff

Flavescence dorée : le Marcillac à la loupe

La flavescence dorée ? « Ce n'est pas un phénomène nouveau. Depuis la Corse en 1982 nous sommes peut-être un des derniers vignobles touchés », commente Gil Benac, technicien . On s'y attendait, elle est arrivée. Deux ceps ont dû être arrachés l'an dernier et, depuis, c'est toute l'appellation qui est sous haute surveillance. Ici, on observe mais on sait faire. Le technicien suit les vignerons de la cave de Valady depuis maintenant une dizaine d'années avec pour seul objectif « respecter au mieux l'environnement tout en gardant le volume de production », commente Jean-Marc Gombert, vice-président de la cave. « Toute décision de traitement fait l'objet d'une réflexion. Il n'y a pas de systématique ». Pour Gil Benac, « on ne fait rien d'autre que ce que faisaient les anciens qui observaient pour anticiper et ils n'avaient pas toujours tort, sauf que nous disposons, en plus, de moyens informatiques et de trois stations météo connectées à des PC. Cela nous permet, par exemple, de savoir qu'à partir d'un taux donné de pluie, un champignon majeur va attaquer la vigne. On confronte les données et l'on voit si cela va être économiquement préjudiciable ou pas. Si cela l'est, on intervient; sinon, on regarde. Nous associons le pragmatisme des anciens aux outils modernes ». « On arrive ainsi à ne traiter qu'entre trois et cinq fois, soit deux fois moins qu'à l'époque. C'est bien en terme de sécurité, intéressant financièrement et moralement puisqu'on s'implique davantage et que l'on comprend mieux les phénomènes qui se déroulent dans la vigne ».
Gil Benac passe à la loupe les haies, figuiers… tout l'environnement des parcelles. « Bien que les ceps contaminés aient été arrachés, d'autres peuvent avoir été contaminés et le problème, c'est qu'il faudra un à deux ans pour qu'ils développent la maladie », explique le spécialiste.LE VIGNOBLE TRAITÉ
Quelle est donc cette maladie tant redoutée du vigneron ? « C'est un mycoplasme, un virus à l'intérieur de la souche, qui aboutit à sa mort et à la perte de récolte et tant que l'on ne l'a pas arraché, la maladie peut se propager ». Cest par une cacadelle que s'effectue la transmission, un insecte piqueur-suceur qui se nourrit de la sève, absorbe le virus qu'il donne en les piquant à des pieds sains. Les premiers symptômes ? « A la fin juillet. Les feuilles rougissent, se révolutent, les rameaux deviennent caoutchouteux. Si on laisse faire, c'est la catastrophe ». « Il faut une discipline collective et que tout le monde, syndicat, cave… traite en même temps », commente Jean-Marc Gombert. La date est fixée : ce sera entre le 12 et 18 juin. Un premier traitement important « puisqu'il permettra d'éliminer 90 % des vecteurs ». Les deux autres traitements sont pour l'instant facultatifs sauf pour la parcelle des deux ceps atteints. « Pour l'instant, la situation est sous contrôle. Pas d'affolement », rassure Gil Benac.« Ne pas se sentir concerné serait irresponsable; la vigne, c'est notre gagne-pain », rappelle, tou de même, le vigneron.
Gladys Kichkoff

Cerise et vins concurrencés

Frédéric Julien, 30 ans, est arboriculteur à Carbassas, sur la commune de Paulhe, dans le sud Aveyron. En ce moment, la saison des cerises bat son plein. Avec une quinzaine de variétés, la cueillette durera jusqu'à la mi-juillet. Viendra ensuite, fin août, celle des mirabelles, une autre des productions du jeune agriculteur, installé en GAEC familial. L'hiver, c'est l'engraissement d'agneaux, une diversification dont il a eu l'idée pour occuper les deux bergeries de l'exploitation. « Un complément de revenus pour ne pas compter que sur les cerises et les mirabelles ».
AU VERGER TOUTE L'ANNÉE
Mais la passion de Frédéric, ce sont les arbres. La taille est exigeante. « Les gens pensent que la cerise se limite à la cueillette alors que c'est juste la finition. L'entretien des vergers, la taille, c'est beaucoup, beaucoup de travail toute l'année », souligne-t-il.
Il évoque les aléas du temps avec lesquels il faut composer, comme dans l'agriculture, en général, « le risque majeur d'une gelée au printemps, en pleine floraison, qui peut anéantir en une nuit le travail de toute une année, - 5° et c'est beaucoup de travail pour rien, celui de plusieurs jours de pluie susceptible de faire pourrir une belle récolte. Fin août, à l'époque des mirabelles, on n'est pas, non plus, à l'abri d'un orage de grêle comme en août 2003 qui a fichu en l'air la moitié de la récolte. On n'est jamais sûr de ce qu'on va gagner ». La concurrence est dure en arboriculture. Celle d'autres pays méditerranéens où la main-d'œuvre est moins chère, « tous ceux où le coût de production est moins élevé que chez nous ». La filière en souffre. « De nombreux arboriculteurs arrêtent parce que leur production ne rapporte pas assez pour en vivre. Il y a des gens qui, démotivés, taillent moins bien. Du coup, les fruits sont plus petits et se vendent moins bien ». La faute à « la grande distribution qui fait la pluie et le beau temps, fait les prix », influence le goût des consommateurs en proposant de gros fruits. « Il y a vite 1 à 2 € d'écart au kilogramme entre une grosse et une petite cerise. Et puis, si la récolte est abondante, ils cassent les prix et si elle ne l'est pas, ils vont chercher les fruits ailleurs, comme en Turquie où ils sont moins chers ».L'avenir de la cerise ? Selon le jeune arboriculteur, il passe par la production de beaux fruits. Il veut y croire même si… il a laissé son emploi dans les travaux publics à Millau pour s'installer à la suite de son père. Par passion.Cette année, la récolte s'annonce bonne. « Il n'y aura pas trop de fruits mais ils seront jolis et meilleurs que l'année dernière ».
Visite guidée au cœur d'un vignoble
« Pour l'instant, ça va. On vend mais c'est dur. Il faut deux fois plus de clients pour le même volume », constate Éric Portalier, installé à Paulhe. Le côte-de-Millau n'échappe pas à la crise viticole même si, ici, on s'estime privilégié par rapport à d'autres. La faute aux nombreuses offres sur le marché à des prix intéressants.
Domaines et cuvées de la cave d'Aguessac trinquent, celle ambassadrice, la plus prisée de la restauration parce que tout public, n'est pas épargnée. « Ce qui nous sauve encore, c'est que nous sommes une petite appellation », constate le jeune viticulteur. Depuis deux ans, la cave avait préparé l'effet viaduc et misé sur le tourisme.
Et ça démarre plutôt bien. Alain Montrozier, viticulteur de Compeyre, joue les guides auprès des touristes des tours operators, son pittoresque village construit sur des caves. Il en raconte la vie des habitants d'autrefois, fait admirer le patrimoine et, point d'orgue de la visite, une dégustation dans un caveau de la cave.
« Cet été, nous leur proposerons une assiette terroir avec un verre de vin », dévoile le jeune viticulteur qui remarque combien le consommateur aime ce contact avec les producteurs. Une initiative préparée depuis deux ans en collaboration avec office du tourisme, parc régional des grands causses et communauté de communes en prévision de l'effet viaduc.
« On ne sait pas combien de temps la crise va durer, l'an prochain, il nous faudra peut-être trois fois plus de clients pour réaliser les mêmes ventes ».
L'effet « viaduc », un atout incontestable
Ludovic Bouviala a rejoint le GAEC du Vieux-Noyer à Rivière-sur-Tarn en 2003. Installée à l'entrée des gorges du Tarn, cette cave particulière commercialise quasiment 50 % de sa production, en vente directe, auprès des touristes de passage, le reste c'est la restauration locale et un peu d'exportation vers la Hollande et la Belgique. « Les clients viennent nous chercher », commente le jeune viticulteur en soulignant que « de la vigne jusqu'à la mise en bouteille, les trois associés s'occupent de tout ». Ici, du coup, on plante de plus en plus, tandis qu'en même temps, on arrache les cerisiers. « De 5 ha, nous sommes passés à 2. Cet hiver, nous allons arracher un autre verger. On ne peut pas travailler à perte. La cerise, on n'y croit plus. On ne renouvelle donc pas les variétés. On ne change donc pas de variété », confie le jeune agriculteur. En revanche, les vins rouges, rosés et blancs du domaine du Vieux-Noyer se portent bien. Les associés se sont même lancés dans des apéritifs : mirabelle noix et vin rosé et cerise-vin rouge, cette année. « Quand vous ouvrez une bouteille de bourgogne ou de bordeaux, vous savez à peu près ce que vous allez boire. Le consommateur recherche, aujourd'hui, un vin différent. Il boit de moins en moins mais il veut autre chose ». Il parle de la notoriété dont bénéficie le sud Aveyron avec « l'effet viaduc ». « Nous avions déjà Roquefort, les gorges du Tarn. Le viaduc nous fait connaître encore un peu plus. On prend… ».
Patrick Rolls, viticulteur à Conques
Depuis qu'il en rêvait… Patrick Rolls s'est enfin lancé. Merlot, cabernet franc, sauvignon, syrah, chardonnay… C'est en 2003, il a planté ses premiers ceps à Conques, a eu sa première petite récolte l'an dernier. Quant aux vendanges de cette année, « pour l'instant, elles s'annoncent plutôt bien ». Parti de rien, il lui a fallu trouver le foncier, les terres - pas évident dans une région morcelée avec de nombreux petits propriétaires pas forcément décidés à vendre. Son opiniâtreté a payé puisque, aujourd'hui, son vignoble s'étend sur 6 ha à Conques. Il a décidé de vinifier lui-même sa production, a investi pour cela dans un bâtiment, du matériel pour aller jusqu'au bout de sa production. La culture de la vigne, la vinification, la vente, la commercialisation, le contact avec les clients… ça lui plaît et il tient à maîtriser la production jusqu'au bout.
Salarié de la chambre d'agriculture, Patrick Rolls s'est mis à mi-temps avec l'envie de vivre un jour de son métier de vigneron. La crise ? Ça l'inquiète, évidemment, « et même si on est, ici, dans un contexte bien différent de celui des grandes zones viticoles, on la ressent, tout de même, dans le secteur de la restauration ». Il compte sur les touristes de passage sur cette étape majeure des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il ne s'est pas lancé à l'aventure, a anticipé le risque en faisant réaliser une petite étude de marché par des étudiants de l'IUT de commerce de Figeac. Ce qui est sûr, « c'est que produire un vin de qualité est indispensable ». Le jeune viticulteur le sait et sera suivi par un œnologue pour le vin de pays qu'il produira.
Grâce à lui, Conques retrouve ses paysages d'antan, quand la vigne était reine. « Avant le phylloxéra, il y avait plus de 100 ha de vignes ici. Ce sont les moines qui l'ont introduite avant de la développer sur tout l'Aveyron », rappelle-t-il. « Ici, le vin peut être un produit porteur mais il faut que la qualité suive ». Il a choisi des cépages de qualité, dont il sait qu'ils sont appréciés des consommateurs.
Textes : Gladys Kichkoff

La grogne gagne les producteurs de lait

Nous avions négocié des accords le 26 janvier dernier, aujourd'hui battus en brèche par l'entreprise Lactalis qui prélève 2,36 €/1 000 l de lait à ses producteurs », monte au créneau Pierre At, président de la fédération régionale de producteurs de lait. Il explique comment l'accord, qui fixait des recommandations nationales sur le prix du lait, prévoyait, en outre, une mesure dérogatoire afin de tenir compte des projets de restructuration d'entreprise après examen en aval d'un comité des sages. « En le signant, Lactalis savait que Sodiaal avait l'intention de recourir à cette procédure pour un projet visant à redresser le marché du lait de consommation », commente le chef de file des laitiers. « Nous sommes pris en otage et cela se traduit directement sur nos revenus. Aujourd'hui, nous disons «stop», trop c'est trop. Nous sommes dans un contexte typique en Aveyron où l'on a besoin et des producteurs et des entreprises, il faut une cohésion entre les deux », estime, pour sa part, Michel Costes, président du CODIL, interprofession laitière du département . Pour Bernard Albouy, le coprésident: « Lactalis qui prélève cet argent à chacun de ses 20 000 producteurs n'a pas dit ce qu'il comptait en faire. C'est du profit pur et simple ». « Multipliez ces 2,36 € par 150 tonnes de lait et regardez ce que cela donne pour un producteur moyen », engage Thierry Chambert. Pour Pierre At, les producteurs n'ont pas à faire les frais d'une guerre entre les deux groupes. Ce qu'il retient « c'est que que Lactalis ne respecte pas ses producteurs ». « Nous ne sommes pas consultés mais cisaillés systématiquement. Lactalis est l'entreprise n° 1 au niveau national, réalise des performances économiques exceptionnelles et perturbe le monde du lait », râle Michel Costes qui espère « en une issue honorable pour tous. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation critique ».
MOBILISÉS
Pierre At prévient : «Labels et interprofession sont prêts à se mobiliser, plusieurs jours s'il le faut pour obtenir des accords écrits et respectés par tous». Faute de quoi, les laitiers envisageront un blocage « dans le respect des biens et des personnes». D'autres plus radicaux n'excluent pas de ne plus livrer les laiteries. « L'exaspération est telle», commente Thierry Chambert. «Nous essaierons d'éviter les dérapages », s'engage Pierre At, tandis que Michel Costes évoque la grande concertation des responsables départementaux qui les a amenés à envisager de passer à l'action. « Aujourd'hui, nous sommes dans une situation sans issue. Nous n'avons d'autres solutions que de nous rapprocher des sites pour dialoguer ». Bernard Albouy témoigne, lui, du désarroi des éleveurs. « Nous en sommes à un point où nous végétons et comme nous ne pouvons plus investir, il n'y a plus de rendement. Chez nous, on ne fait pas faillite d'un coup. La première année de SÉCHERESSE, on vend une vache ou deux, d'autres, la seconde année. Nous en sommes à ce stade».
Pour l'instant, les producteurs sont suspendus à la réunion de l'interprofession du 12 juillet qu'ils espèrent voir avancer. « Et puis, Lactalis peut aussi changer d'attitude », n'écarte pas Pierre At.
Gladys Kichkoff

juin 2006

Cerises et vins concurrencés
Frédéric Julien, 30 ans, est arboriculteur à Carbassas, sur la commune de Paulhe, dans le sud Aveyron.En ce moment, la saison des cerises bat son plein.Avec une quinzaine de variétés, la cueillette durera jusqu’à la mi-juillet.Viendra ensuite, fin août, celle des mirabelles, une autre des productions du jeune agriculteur, installé en GAEC familial. L’hiver, c’est l’engraissement d’agneaux, une diversification dont il a eu l’idée pour occuper les deux bergeries de l’exploitation. " Un complément de revenus pour ne pas compter que sur les cerises et les mirabelles ".
Mais la passion de Frédéric, ce sont les arbres. La taille est exigeante. " Les gens pensent que la cerise se limite à la cueillette alors que c’est juste la finition. L’entretien des vergers, la taille, c’est beaucoup, beaucoup de travail toute l’année ", souligne-t-il.
Il évoque les aléas du temps avec lesquels il faut composer, comme dans l’agriculture, en général, " le risque majeur d’une gelée au printemps, en pleine floraison, qui peut anéantir en une nuit le travail de toute une année, -5° et c’est beaucoup de travail pour rien, celui de plusieurs jours de pluie susceptible de faire pourrir une belle récolte. Fin août, à l’époque des mirabelles, on n’est pas, non plus, à l’abri d’un orage de grêle comme en août 2003 qui a fichu en l’air la moitié de la récolte.On n’est jamais sûr de ce qu’on va gagner ".
La concurrence est dure en arboriculture. Celle d’autres pays méditerranéens où la main-d’œuvre est moins chère, " tous ceux où le coût de production est moins élevé que chez nous ". La filière en souffre. " De nombreux arboriculteurs arrêtent parce que leur production ne rapporte pas assez pour en vivre.Il y a des gens qui, démotivés, taillent moins bien.Du coup, les fruits sont plus petits et se vendent moins bien ". La faute à " la grande distribution qui fait la pluie et le beau temps, fait les prix ", influence le goût des consommateurs en proposant de gros fruits. " Il y a vite 1 à 2 € d’écart au kilogramme entre une grosse et une petite cerise. Et puis, si la récolte est abondante, ils cassent les prix et si elle ne l’est pas, ils vont chercher les fruits ailleurs, comme en Turquie où ils sont moins chers ".
L’avenir de la cerise? Selon le jeune arboriculteur, il passe par la production de beaux fruits. Il veut y croire même si…Il a laissé son emploi dans les travaux publics à Millau pour s’installer à la suite de son père.Par passion.
Cette année, la récolte s’annonce bonne. " Il n’y aura pas trop de fruits mais ils seront jolis et meilleurs que l’année dernière ".
Visite guidée au coeur d’un vignoble
" Pour l’instant, ça va.On vend mais c’est dur.Il faut deux fois plus de clients pour le même volume ", constate Éric Portalier, installé à Paulhe.La cote de Millau n’échappe pas à la crise viticole même si, ici, on s’estime privilégié par rapport à d’autres. La faute aux nombreuses offres sur le marché à des prix intéressants. Domaines et cuvées de la cave d’Aguessac trinquent, celle ambassadrice, la plus prisée de la restauration parce que tout public, n’est pas épargnée. " Ce qui nous sauve encore, c’est que nous sommes une petite appellation ", constate le jeune viticulteur.Depuis deux ans, la cave avait préparé l’effet viaduc et misé sur le tourisme.Et ça démarre plutôt bien. Alain Montrozier, viticulteur de Compeyre, joue les guides auprès des touristes des tours operators, son pittoresque village construit sur des caves.Il en raconte la vie des habitants d’autrefois, fait admirer le patrimoine et, point d’orgue de la visite, une dégustation dans un caveau de la cave. " Cet été, nous leur proposerons une assiette terroir avec un verre de vin ", dévoile le jeune viticulteur qui remarque combien le consommateur aime ce contact avec les producteurs.Une initiative préparée depuis deux ans en collaboration avec office du tourisme, parc régional des grands causses et communauté de communes en prévision de l’effet viaduc." On ne sait pas combien de temps la crise va durer, l’an prochain, il nous faudra peut-être trois fois plus de clients pour réaliser les mêmes ventes ".
Patrick Rolls, viticulteur à Conques
Depuis qu’il en rêvait… Patrick Rolls s’est enfin lancé.Merlot, cabernet franc, sauvignon, syrah, chardonnay… C’est en 2003, il a planté ses premiers ceps à Conques, a eu sa première petite récolte l’an dernier. Quant aux vendanges de cette année, " pour l’instant, elles s’annoncent plutôt bien ". Parti de rien, il lui a fallu trouver le foncier, les terres - pas évident dans une région morcelée avec de nombreux petits propriétaires pas forcément décidés à vendre. Son opiniâtreté a payé puisque, aujourd’hui, son vignoble s’étend sur 6 ha à Conques.Il a décidé de vinifier lui-même sa production, a investi pour cela dans un bâtiment, du matériel pour aller jusqu’au bout de sa production. La culture de la vigne, la vinification, la vente, la commercialisation, le contact avec les clients… ça lui plaît et il tient à maîtriser la production jusqu’au bout.
Salarié de la chambre d’agriculture, Patrick Rolls s’est mis à mi-temps avec l’envie de vivre un jour de son métier de vigneron. La crise?ça l’inquiète, évidemment, " et même si on est, ici, dans un contexte bien différent de celui des grandes zones viticoles, on la ressent, tout de même, dans le secteur de la restauration ".Il compte sur les touristes de passage sur cette étape majeure des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il ne s’est pas lancé à l’aventure, a anticipé le risque en faisant réaliser une petite étude de marché par des étudiants de l’IUT de commerce de Figeac. Ce qui est sûr, " c’est que produire un vin de qualité est indispensable ".Le jeune viticulteur le sait et sera suivi par un œnologue pour le vin de pays qu’il produira.
Grâce à lui, Conques retrouve ses paysages d’antan, quand la vigne était reine. " Avant le phylloxéra, il y avait plus de 100 ha de vignes ici.Ce sont les moines qui l’ont introduite avant de la développer sur tout l’Aveyron ", rappelle-t-il." Ici, le vin peut être un produit porteur mais il faut que la qualité suive ". Il a choisi des cépages de qualité, dont il sait qu’ils sont appréciés des consommateurs.
L’effet " viaduc ", un atout incontestable
Ludovic Bouviala a rejoint le GAEC du Vieux-Noyer à Rivière-sur-Tarn en 2003. Installée à l’entrée des gorges du Tarn, cette cave particulière commercialise quasiment 50 % de sa production, en vente directe, auprès des touristes de passage, le reste c’est la restauration locale et un peu d’exportation vers la Hollande et la Belgique. " Les clients viennent nous chercher ", commente le jeune viticulteur en soulignant que " de la vigne jusqu’à la mise en bouteille, les trois associés s’occupent de tout ". Ici, du coup, on plante de plus en plus, tandis qu’en même temps, on arrache les cerisiers. " De 5 ha, nous sommes passés à 2.Cet hiver, nous allons arracher un autre verger. On ne peut pas travailler à perte. La cerise, on n’y croit plus. On ne renouvelle donc pas les variétés. On ne change donc pas de variété ", confie le jeune agriculteur. En revanche, les vins rouges, rosés et blancs du domaine du Vieux-Noyer se portent bien. Les associés se sont même lancés dans des apéritifs: mirabelle noix et vin rosé et cerise-vin rouge, cette année. " Quand vous ouvrez une bouteille de bourgogne ou de bordeaux, vous savez à peu près ce que vous allez boire. Le consommateur recherche, aujourd’hui, un vin différent. Il boit de moins en moins mais il veut autre chose ". Il parle de la notoriété dont bénéficie le sud Aveyron avec " l’effet viaduc ". " Nous avions déjà Roquefort, les gorges du Tarn.Le viaduc nous fait connaître encore un peu plus. On prend… ".


9.1.06


Territoire. Quatre images suffisent pour vérifier les déclarations de tous les exploitants aveyronnais
Les agriculteurs sous contrôle satellite

L’Europe qui, dans le cadre de la PAC (politique agricole commune), distribue des aides aux agriculteurs exige en retour que chaque état membre procède à des contrôles. « Ceux-ci s’effectuent de deux manières: soit par photographie aérienne, soit par image satellite. Ils permettent ainsi de vérifier que l’exploitant déclare bien les surfaces et cultures pour lesquelles il perçoit ces subventions », entame Mathieu Rouquette, responsable du service cartographie à l’ADASEA.« Les images commandées à des dates clés pour voir l’avancement des cultures vont permettre d’en déterminer s’il s’agit, sans erreur, de maïs, sorgho, blé, herbe… Les céréales semées à l’automne sont sorties, on a déjà un couvert végétal; les sols sont nus, au contraire, pour celles de printemps comme le maïs. S’il est difficile de distinguer des cultures proches comme le blé et l’orge, les images prises par le satellite font bien le distinguo, en revanche, entre blé et herbe », précise le responsable. Avec une résolution beaucoup plus fine dans la photographie aérienne puisqu’elle est de 50 cm contre 20 m pour une image du satellite Spot.« Ce sont 3 % des surfaces agricoles qui sont ainsi contrôlées chaque année sur des zones des départements tirés au sort. Trois, quatre images satellites permettent de couvrir un département comme l’Aveyron et de vérifier les déclarations de tous les exploitants ». S’il y a peu de zones céréalières en Aveyron, « de nombreuses exploitations ont toujours 2 à 3 ha primés pour leur autoconsommation. Les contrôles portent également sur les surfaces éligibles à des aides comme la prime à l’herbe ou autres mesures agroenvironnementales ».Reste que les contrôles se font dans le plus grand secret et les images ne sont qu’un premier tri. « Quand il y a anomalie, ils sont complétés d’une vérification sur le terrain, ce sont elles qui font foi pour prononcer une sanction. Quand il y en a beaucoup, on sait pertinemment que le satellite y est pour quelque chose ». Des erreurs de déclaration de moins en moins fréquentes « grâce au registre parcellaire graphique, tout rentre dans l’ordre en Aveyron.Nous faisons un gros travail sur le terrain pour aider les agriculteurs à définir leurs surfaces », commente Jean Laurens, président de la chambre d’agriculture. Un travail de fond indispensable « puisque chaque année, un cinquième des exploitations sont concernées par un mouvement foncier.Mine de rien, c’est très important ». Des modifications qui peuvent avoir différentes causes: retraite, installation ou aménagement des infrastructures routières.
Gladys Kichkoff

5.1.06

Dossier décembre

Les bio-énergies

Ce bois perdu dont on se chauffe

Contribuer à la lutte contre l’effet de serre et à l’économie locale, entretenir le massif forestier, c’est ce que font une dizaine d’agriculteurs de la CUMA (coopérative d’utilisation de matériel agricole) de Biquefarre à Goutrens et de ses environs depuis une vingtaine d’années.
Les énergies renouvelables n’étaient pas encore d’actualité quand, en 1986, ils ont décidé de se chauffer au bois, pas de celui qu’on achète mais celui de leur exploitation.
Raymond, le père de Daniel Tuéry, était de ces pionniers. « Ils se sont intéressés aux déchiqueteuses qui leur permettraient, plutôt que de brûler des bûches, de se chauffer avec le bois qu’ils avaient sur leurs exploitations, autour des champs, dans les haies, les petits bois », explique l’agriculteur. Acheté le matériel, certains ont opté pour une nouvelle chaudière, d’autres ont adapté celle qui équipait déjà leur habitation. Au début des années « 90 », le lycée agricole de Rignac, en se développant, a entamé une démarche identique et s’est approvisionné en plaquettes forestières, des copeaux, auprès de la CUMA de Goutrens.
Pour se chauffer l’hiver et disposer d’eau chaude toute l’année, la famille Tuéry utilise environ 70 m3 de bois pour un coût chiffré à environ 1 000 € par an en tenant compte de la location de la déchiqueteuse, de la consommation du tracteur, hormis la main-d’œuvre. Il leur en faudrait le triple s’ils utilisaient le fuel. « Un mètre cube de copeaux équivaut à 80 l de fuel. Nous en utilisons 70 m3, ce qui fait environ 5 000 l… à 0,61 € le litre, on est à 3 000 € en tout », calcule Daniel Tuéry. Quant à craindre une pénurie de bois sur l’exploitation, il n’en est rien. « Nous n’en avons jamais manqué depuis vingt ans et nous avons même du mal à tout utiliser ! »
à la fédération des CUMA, on encourage de telles initiatives. « L’utilisation de 3,5 t de bois permet d’économiser 1 000 l de fuel et d’éviter, en outre, l’émission de 3 t de CO 2 et 82 kg de soufre dans l’atmosphère », explique-t-on avant d’évoquer tous les avantages d’une telle démarche. L’utilisation du bois permet également une meilleure gestion de la forêt et diminue les risques d’incendie en améliorant la qualité des paysages.
C’est aussi une contribution à l’économie locale. « L’énergie bois génère, à dépense égale, trois à quatre fois plus d’emplois que les autres énergies.

Du colza dans les tracteurs

C’est le projet de Patrice Falip, un jeune agriculteur de Saint-Cyprien-sur-Dourdou : remplacer le gas-oil qui fait tourner son tracteur par de l’huile de colza produit sur son exploitation. « Il y a d’abord l’attrait économique, même si ça ne va pas chercher loin, mais surtout un intérêt écologique et puis nous avons toujours cherché à être autonomes », souligne-t-il. Le jeune éleveur de prim’holstein compte mettre en culture les premiers semis dès l’automne prochain. 2 à 3 ha suffiront pour faire tourner les engins agricoles pendant les gros travaux, pas pour les petits trajets quotidiens. « L’huile de colza passe très bien quand le moteur est chaud mais comme c’est de l’huile, moins fluide que le gas-oil, il y a quelques soucis au démarrage ». Son budget carburant est aujourd’hui d’environ 4 600 € par an. Opter pour le colza lui permettrait de réaliser 50 % d’économie, « même si cela induit d’autres coûts derrière », comme la pression de la céréale par la fédération départementale des CUMA. Investir dans une machine — elle coûte 6 000 €- ne serait pas rentable. Reste la culture du colza. Peu commune en Aveyron. Il n’est pas inquiet. « J’ai la chance d’avoir passé un BTS en production végétale ». Il sait que le colza rend plus que le tournesol, même s’il est plus sensible aux maladies, insectes et mauvaises herbes.
Le biocarburant, Patrice Falip en est convaincu : c’est l’avenir. Il rappelle que le carburant à la pompe contient déjà 1 à 1,5 % d’huile végétale contre 4 % en Allemagne. « Pour avancer, il faut un élan collectif et pour cela, il faut qu’il y en ait qui se lancent ». Il est prêt à le faire.

Le soleil pour sécher le foin

Jean-Yves Bélard, éleveur de vaches simmenthals à Saint-Amans-des-Cots, dans le nord Aveyron, utilise la chaleur solaire pour sécher son foin. « L’air, en passant entre le toit et un isolant, se réchauffe avant d’arriver dans le local du séchage en grange. Il est aspiré par des ventilateurs et refoulé dans le foin », explique ce jeune agriculteur adhérent de la coopérative Jeune Montagne. Il en présente tous les avantages : « C’est de l’air chaud, moins humide et de 5 à 10° supérieurs à l’air ambiant qui arrive. Du coup, le foin sèche plus vite… le tout sans utiliser de gas-oil ». Le GAEC familial — Jean-Yves est installé avec son frère et sa mère — qui a opté pour ce chauffage solaire depuis deux ans, réalise ainsi de sérieuses économies d’énergie tout en s’épargnant l’entretien d’un moteur, sans avoir de cuve de fuel à remplir et le prix de revient de son foin séché en diminue d’autant. La famille Bélard a, en outre, bénéficié d’une aide de l’ADEME, agence de l’environnement et de la maîtrise d’énergie pour la conception du capteur solaire. « C’est économique, écologique puisque nous n’utilisons pas d’énergie fossile et en plus nous ne polluons pas. C’est un plus », insiste bien le jeune agriculteur qui sèche ainsi 250 tonnes de fourrage par an, soit l’alimentation de ses cinquante-cinq vaches laitières et ses quarante génisses de 2 à 4 ans.

Il roule à l’huile de tournesol
« La fédération départementale des CUMA a une presse qui circule. Une dizaine d’agriculteurs du Larzac l’ont fait venir en mai-juin pour presser 25 tonnes de graines de tournesol. Il y a eu une journée «portes ouvertes», on nous a expliqué comment utiliser l’huile dans les tracteurs et voitures », se rappelle Pierre Cassan, agriculteur à Millau qui s’est lancé avec un de ses voisins. « Je m’en sers pour ma Peugeot 205 utilitaire ». Il explique comment « on peut incorporer jusqu’à 30 % d’huile végétale sans incidence sur le fonctionnement du moteur et ses performances ». Il remarque toutefois que « l’été, l’huile étant plus fluide, ça fonctionne mieux ». En revanche, il n’a pas osé se lancer pour faire tourner son tracteur. Pour deux raisons: « D’abord, le fuel agricole est encore un peu moins cher que l’huile. Et puis nous avons des tracteurs neufs encore sous garantie… ». Les biocarburants, avec la nouvelle politique agricole commune, peuvent, selon lui, être une opportunité à saisir pour certaines zones agricoles céréalières. On en est qu’aux débuts. Il y a des tas d’études en cours. La France est très en retard. L’Allemagne est beaucoup plus en avance que nous là-dessus. Cela prouve bien que ça peut marcher ».

Tourteau de colza et carburant
Quand la CUMA départementale énergie innovation a décidé d’investir dans une presse, Daniel Baulès, de Sébrazac, a été de ceux à se lancer. « Mon idée était d’être autonome sur mon exploitation en produisant les protéines pour l’alimentation de mon bétail et du carburant pour mon tracteur », rapporte-t-il. En août 2003, il sème 1 ha de colza et presse sa première récolte fin mars 2005. « Sur environ 2 800 kg de céréales, j’ai extrait environ 1 000 l d’huile. Il m’est resté près de 2 t de tourteau destiné à l’alimentation de mes vaches, complété de tourteau de soja pour varier les protéines », rapporte l’éleveur. Quant à son tracteur, il remplace 30 % de carburant par de l’huile de colza, l’été, et 10-15 % l’hiver. Dans sa commune, les retours sont bons. « Avant, mon tracteur dégageait de la fumée chargée en dioxines, maintenant, il dégage des odeurs de friture », plaisante Daniel Baulès, fier de faire un geste pour l’environnement. Et il continue. L’an dernier, c’est 1,7 ha de colza qu’il a semé et il a obtenu 2 000 l d’huile.

30.10.05

Dossier de rentrée

Génétique : qualité et productivité

Depuis vingt-deux ans, les Marcenac utilisent les services de Coopelso. Vincent, éleveur caprin à Mouret, qui possède un cheptel de quatre cents têtes, poursuit ce que son père et son grand-père, avant lui, ont initié. « Pour nous, Coopelso est un prestataire de services, contrairement à la filière bovine. La coopérative nous fournit les paillettes d’insémination qui sont produites par un seul centre en France, situé près de Poitiers ». Ce qu’il attend de la génétique ? « D’abord, une amélioration des performances de mon troupeau tant en quantité qu’en qualité de lait. Ensuite, une amélioration de la conformation de mes bêtes. Plus leur ossature est importante, plus elles mangent et plus elles produisent. Et que toutes mes chèvres aient les mêmes mamelles ».
Il explique : « Avec un pis standard, la traite est plus facile. Autrefois, les chèvres qui donnaient beaucoup de lait avaient le pis lourd qui traînait par terre ».
D’un troupeau à l’autre, la production est différente. « Jusqu’à 30 % d’écart, appuie le jeune éleveur. Avec un écart qui peut aller, selon les chèvres, de 500 à 1 300 litres de lait ». L’objectif, avec la génétique, est d’éliminer les « mauvaises » productrices pour inséminer les meilleures ». Une démarche qui permet également à Vincent de vendre des reproducteurs à d’autres éleveurs avec une plus-value. « La vente me paie l’insémination ».
Un travail de longue haleine qui ne paie pas au bout de 3, 4 ans… mais au terme d’un long investissement. Il est « accro », « à fond là-dedans ». Vincent choisit sur catalogue parmi une soixantaine de boucs. Le choix est fonction de ce que recherche l’éleveur. « On va le choisir pour qu’il rattrape les points faibles des bonnes bêtes. Le but est d’avoir de superchevreaux qui pourront eux-mêmes partir en centre pour produire à leur tour des paillettes d’insémination ». Il rêve d’avoir un jour un bouc de niveau national qui consacrera le travail de trois générations d’éleveurs. « Nous essayons de faire évoluer l’animal par la génétique. C’est de la sélection. La bête parfaite n’existe pas mais à force, on arrive à élever la moyenne ».

«Faire progresser le troupeau »

Il attend de la génétique « qu’elle fasse progresser son troupeau ». C’est notamment une meilleure qualité maternelle de ses truies que recherche Jérôme Fabre, un jeune éleveur installé à Ayssènes, qui souhaite ainsi « améliorer sa productivité ». Le GAEC familial a un élevage de porcs et de bovins allaitants, inséminés à 100 % par Coopelso et sa filiale Porcigène. « J’ai un trop petit troupeau de vaches pour me permettre d’entretenir un taureau sans compter qu’avec Coopelso, je bénéficie de taureaux au top de la génétique. Les reproducteurs sont renouvelés plus souvent au centre d’insémination, on avance ainsi beaucoup plus vite. On les achète avec un haut potentiel génétique, à nous de le leur faire exprimer avec le meilleur environnement », argumente Jérôme Fabre.
Pour la filière porcine, l’insémination, « c’est la facilité. Il lui faudrait entretenir plusieurs verrats pour un troupeau qui n’est pas énorme. C’est un gain de temps certain par rapport à l’insémination naturelle, de main d’œuvre et d’argent pour une bien meilleure qualité ». Justement, il a vu évoluer son troupeau avec le temps. « C’est encore plus flagrant chez les porcs avec une moyenne de 2,5 portées par an que chez les bovins avec une seule portée. On voit notre production augmenter. Si l’on gagne un porcelet par truie par an, ce sont des kilos donc une plus-value à la sortie ». Pour lui, « un éleveur professionnel ne peut pas se permettre de se passer des progrès de la génétique. Si je ne produis que vingt porcelets par an quand mon voisin en produit vingt-cinq, je serai le premier à dégager en cas de crise ».

Plus de lait avec un minimum de vaches

Son grand-père, son père avant lui étaient adhérents de la Coopelso. C’est donc tout naturellement que Samuel Maymard, jeune éleveur de bovins lait à Séverac, est devenu à son tour adhérent de la coopérative. « J’ai été salarié chez René Garrigues, le président de Coopelso, qui a un très beau troupeau. Cela marque. J’ai aussi la chance d’avoir un technicien de mon âge, à la coopérative, hypermotivé. Cela donne envie d’avancer. ». Ce qu’il recherche dans la génétique ? Que ses vaches produisent du lait ! C’est évident, oui mais « Avec un minimum de vaches, explique-t-il. Il y parvient puisqu’avec un cheptel de vingt-cinq bêtes, il atteint son quota de 350 000 litres. « Et puis, à traire, autant le faire avec des bêtes qui font du lait plutôt que de se demander pourquoi on le fait ».
En période hivernale, « on est moins chargé en travail dans les champs. L’idéal serait de traire trois fois par jour en ce moment, faire le quota pour se consacrer ensuite aux veaux des Lucs ». Une autre des activités du jeune éleveur. La génétique, « c’est aussi avancer ». Il achète des embryons à Coopelso « et si un mâle naît, ils le reprennent pour le tester, et la travaille si c’est une génisse pour faire avancer le schéma. La génétique, c’est une véritable passion. Quand on s’y met, on n’arrête pas. Et puis on fait quelques concours tous les ans, comme le sommet de l’élevage à Cournon, cela permet de se comparer. Là-bas, c’est le top ».

Coopelso, l’exemple coopératif

Coopelso, coopérative d’élevage et d’insémination qui existe depuis 1948, est présente dans sept départements de Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Elle compte près de 9 000 adhérents, et ce sont donc 54 % des éleveurs qui y utilisent ses services. Quatre vaches sur dix sont inséminées par Coopelso présente dans d’autres filières : caprine et porcine. Sur les 168 000 inséminations bovines réalisées par la coopérative, 89 000 le sont en Aveyron. « Notre travail est de diffuser la génétique à travers l’insémination », explique-t-on à la coopérative. C’est ainsi que soixante-dix techniciens sont sur le terrain avec les semences voulues par les éleveurs.
Des techniciens qui, en planifiant l’accouplement, discutent avec chacun de ses objectifs afin de choisir l’insémination adaptée. Ils travaillent également au volet « reproduction » pour assurer la gestation des femelles, donnent des conseils pour le suivi de la reproduction et éventuellement trouvent des causes aux problèmes qui peuvent se présenter.
L’ activité à la hausse, c’est l’insémination des vaches allaitantes dans toutes les races : blonde, charolaise, limousine, aubrac...
« De plus en plus d’éleveurs font appel à nous en complément de leur taureau ou en remplacement pour des problèmes sanitaires, de sécurité et de résultat en matière de reproduction avec une amélioration génétique. Nous ne mettons en service que des taureaux contrôlés et améliorateurs. L’aspect sanitaire, c’est la garantie que les semences sont exemptes de maladies contagieuses, vénériennes. « La loi nous l’impose. Certains de nos taureaux ont plusieurs milliers de descendants. Nous ne pouvons prendre le moindre risque ». Ainsi, chaque taureau, avant d’être utilisé, aura plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de descendants afin d’être sûr qu’il amènera une plus-value. Les meilleurs seront utilisés sur l’élevage à travers l’insémination ».
Mais la Coopelso c’est avant tout, par le biais de ses techniciens, un rôle de conseil auprès des éleveurs, que ce soit dans l’alimentation , la reproduction pour une meilleure utilisation de son cheptel. « Quand on est seul sur une exploitation à s’occuper de l’élevage, des cultures, de la gestion administrative, l’intervention d’un technicien permet souvent d’avancer ». Un rôle de service à l’agriculteur qui est le maître mot chez Coopelso. « Nous sommes acteur dans l’aménagement du territoire. Un éleveur qui appelle un inséminateur en verra un dans les 24 heures. C’est le temps pendant lequel une vache en chaleur doit être inséminée. Notre volonté est de ne laisser tomber personne ». Un modèle coopératif envié par les hôtes étrangers en visite qui « trouvent merveilleux de constater qu’ici les éleveurs possèdent encore la génétique ».

7.8.05

Dossier août

Une filière, vache à lait

Voici deux ans et demi qu’il s’est installée en GAEC avec sa mère sur leur exploitation d’Alarance, près de Villefranche de Panat. Patrice Costes, 26 ans, se partage entre l’élevage des brebis lacaunes qu’il trait pour roquefort et celui de prim’holsteins, des vaches laitières. Deux productions exigeantes parce que techniquement pointues. La réforme de la politique agricole commune qui entre en paplication va lui imposer de nouvelles mises aux normes sur son exploitation en « zone vulnérable » notamment pour le stockage des effluents d’élevage, la récupération des lisiers et eaux blanches des salles de traites. « J’ai le choix entre plusieurs procédés, j’en suis au stade de la réflexion », commente le jeune éleveur d’Alrance qui sait qu’il ne coupera pas à cet investissement exigé par l’Europe. « c’est un surcoût que je ne pourrais pas répercuter sur le prix du lait. Nous sommes déjà limités en production avec les quotas… La tendance des prix est à la baisse, les charges augmentent, tout cela entraîne une perte de revenus qui fait que beaucoup d’agriculteurs s’interrogent, aujourd’hui, sur le devenir de leur métier », confie le jeune éleveur.
Il évoque les conditions difficiles d’élevage en zone montagne, les hivers longs où il faut nourrir les bêtes qui restent à l’étable, quatre, cinq mois, pratiquement la moitié de l’année. « Nous étions autonomes sur l’exploitation en production de fourrage, nous ne le sommes plus depuis la sécheresse qui a sévi depuis 2003. Le coût ? « Je préfère ne pas le calculer », confie-t-il tout en voulant garder espoir. « Il faudra bien que les gens mangent et boivent du lait ». La filière fait des efforts. « Je suis engagée dans la charte de bonnes pratiques. C’est la traçabilité avec l’identification de l’animal, son bien être, le suivi de son alimentation, l’analyse des eaux de consommation. Tout cela est normal, le consommateur a besoin de preuves. Il faut la qualité ! »
Il s’investit d’ailleurs aux côtés des jeunes agriculteurs qui vont, dans les écoles, expliquer leur métier aux enfants. Patrice s’étonne :« Même ici, ils n’ont pas forcément un regard exact sur l’agriculture. Cela m’interpelle. Il y a 9 000 exploitations en Aveyron. Si on enlève les agriculteurs, que restera-t-il ?»
Patrice est conscient que d’autres agriculteurs dont le revenu dépend d’une seule production sont plus « touchés » que lui par les crises successives. Il n’empêche… » Le prix du lait de brebis, par exemple, mieux valorisé, devrait être à la hausse. Il n’en est rien. La valeur ajoutée va surtout aux industriels et à la grande distribution ».
Gladys Kichkoff

Parce qu’il veut contribuer à donner une image positive de sa profession et qu’il n’a que peu de temps à consacrer au syndicalisme, Christian Domergues, un ejeune éleveur de Flagnac, participe aux actions menées dans les écoles. les éleveurs vont ainsi expliquer leur métier, la filière, ses productions aux petits écoliers.»Aux yeux de la société, on passe souvent pour des râleurs, alors si on a, deux ou trois fois par an l’occasion de changer ce regard, il ne faut pas les laisser passer», estime le jeune éleveur de Prim’holsteins de Flagnac. Commen t le lait arrive chez eux, comment il est transformé en formage, yoghourts, les productions AOC du département qui en compte le plus en Midi-Pyrénées... on parle de tout cela. Marre que «le monde agricole soit marginalisé, regardé comme un zoo». L’intérêt nutritionnel fdu lait est expliqué aux enfants, on leur fait fabriquer du beurre,goûter le lait. «C’est pédagogique et original!»

Des prix sans cesse à la baisse
Jérôme Valière est le chef de file des « laitiers » chez les jeunes agriculteurs. Il évoque l’interprofession qui réunit autour d’une même table producteurs et transformateurs et qui fixent, entre autres, le prix du lait. « Il y avait eu des accords en 1997 qui devaient permettre un partage des marges à la hausse comme à la baisse. Ils sont remis en cause depuis l’an dernier par les transformateurs qui, même s’ils ne le disent pas explicitement, souhaitent récupérer l’aide laitière que l’Europe verse aux producteurs », explique le jeune éleveur de Colombiès. Il déplore que « les engagements soient à renégocier tous les trois mois avec des prix, chaque fois, revus à la baisse », et s’en explique : « Il est tenu compte de la moyenne des prix des produits industriels et de la valeur ajoutée des produits de chaque entreprise, ce qui donne une moyenne. On en arrive ainsi à un prix par laiterie ».
L’autre inquiétude de la filière, c’est la réforme de la politique agricole commune qui devrait sonner le glas des quotas laitiers. « Ils permettaient de réguler les marchés ». Les jeunes agriculteurs ont entamé une réflexion sur la maîtrise de la collecte par les producteurs laitiers. « Si nous parvenions à limiter les volumes, cela aurait des incidences sur le prix de vente, nous pèserions davantage face aux centrales d’achat et plus de poids face aux cinq groupes de la grande distribution. Le bio pourrait être une solution. « La filière connaît actuellement quelques difficultés mais c’est davantage un problème de commercialisation que de demande ». La vente directe ?
« Ce peut être une valeur ajoutée mais que pour un petit nombre, cela reste un marché de niche ». Jérôme Valière suit avec intérêt l’appellation « Lait montagne » qui va faire l’objet d’un colloque au sommet de l’élevage de Cournon. « c’est une démarche qualité intéressante mais il ne faut pas que cela reste une image. J’ai envie d’y croire ».

12.5.05

Agro-alimentaire

AOP Feta : les Grecs marquent un point

L’avocat général Damaso Ruiz-Jarabo Colomer de la Cour européenne de justice (CEJ) a estimé mardi que la «feta» méritait bien son appellation d’origine protégée (AOP), que l’Allemagne et le Danemark tentent de lui faire retirer, avec le soutien de la France. Pour l’avocat général, «le terme feta remplit les conditions d’une appellation d’origine en désignant un fromage originaire d’une partie importante de la Grèce, ayant des qualités ou des caractères dus au milieu géographique et dont la production, la transformation et l’élaboration ont lieu dans une aire géographique déterminée», a expliqué la CEJ dans un communiqué. L’Allemagne et le Danemark ont déposé des recours devant la CEJ visant l’annulation d’un règlement européen qui inscrit la dénomination feta dans le registre des AOP. La France est venue en appui. Or, rappelle M. Ruiz-Jarabo, «l’existence d’un lien fondamental» entre, d’une part, la «couleur» de la feta, «son odeur, sa texture, sa saveur, sa composition et ses propriétés intrinsèques», et d’autre part, «le milieu naturel d’où il (ndlr, ce fromage) est originaire, la culture qui le consolide et le procédé traditionnel d’élaboration appliqué en Grèce a été constaté». Les avocats généraux ont pour mission de proposer à la Cour une solution juridique aux affaires dont ils sont chargés. Leur opinion ne lie cependant pas la CEJ, qui rendra son arrêt ultérieurement. Dans cette longue bataille judicaire, les Grecs viennent donc de marquer un point.

13.4.05

Elevage

La philosophie Bio

Le groupement d’intérêt scientifique (GIS) Bio du Massif central était récemment à Millau.

Dernièrement, l’association vétérinaire éleveurs du Millavois (AVEM) a accueilli chez l’un de ses adhérents, le GAEC de la Martinerie, le groupement d’intérêt scientifique (GIS) Bio du Massif Central pour une journée de formation. « Il existe trois GIS en France qui appartiennent au réseau ITAS : un à Auch pour les grandes cultures ; un à Avignon pour les cultures et le nôtre à Brioude pour la production animale », explique Anne Haegelin, animatrice. « Le GIS est un organisme deux en un avec un pôle scientifique qui regroupe différents instituts de recherche (INRA, institut d’élevage) et un pôle qui rassemble les porteurs de projets (une cinquantaine pour une quinzaine de dossiers) et de nombreux partenaires (chambres d’agriculture, etc.) », précise l’animatrice, qui résume : « Nous avons un rôle d’interface entre les professionnels bio, les chercheurs et les techniciens. »
La semaine dernière, le thème de la journée – articulée entre une illustration à la ferme et une en salle – était « Herbivore et système d’élevage » ; thème pour lequel l’AVEM a été sollicitée par le GIS Bio. Créée en 1979, l’AVEM participe au GIS « dans le cadre d’un référentiel technico-sanitaire et économique en élevage ovin lait », précise son président, Patrice Combettes, éleveur à Saint-Georges. « La spécificité du suivi de l’AVEM permet aussi d’avoir des références de données techniques, sanitaires, économiques et de durabilité », précise l’association.
Des données et des méthodes qui intéressent bien au-delà du monde Bio. « De plus en plus de producteurs conventionnels s’intéressent au Bio pour avoir les techniques même s’ils ne vont pas passer au Bio tout de suite », assure Anne Haegelin. Un fait confirmé par l’AVEM dont 30 % des 110 élevages sont Bio.
un autre état d’esprit
Car si le Bio a des avantages, il a aussi des inconvénients : il est beaucoup plus technique et impose de nombreuses contraintes. Malgré cela, au GAEC de la Martinerie, Jean-Paul et Monique Cassan et leur fils Pierre ne reviendraient pas en arrière. « Le Bio, on s’y retrouve », expliquent-ils. Le lait Bio qu’ils livrent à Société des caves est, en effet, mieux valorisé à hauteur d’environ 0,15 €/l de plus. « Mais le Bio, c’est aussi un autre état d’esprit, une autre façon de travailler », souligne la famille Cassan.
Philippe Rioux

Les paradoxes d’une filière
Le Bio aurait-il le blues ? Toujours est-il que les professionnels de la filière, à tous niveaux s’interrogent. « C’est vrai que le Bio a moins le vent en poupe aujourd’hui qu’hier. On entend parler du Bio qui est phase avec les attentes de la société mais dès qu’il s’agit de mettre en cohérence les actes et le discours, rien n’est fait », estime Anne Haegelin. « En terme de soutien aux producteurs ou éleveurs, aux filières et aux marchés, rien n’est fait. Et en terme de recherche, rien n’est fait non plus », estime l’animatrice du GIS Bio du Massif Central.

18.3.05

Vin

Un prix d’excellence pour Philippe Teulier

Seuls douze viticulteurs en France, un par région, ont obtenu ce prix au salon de Paris. Un Marcillacois en fait partie.

Médaille d’or en 2001et en 2002, d’argent mais 1er prix en 2003 et en 2004, l’or à nouveau en 2005 avec, enfin, la récompense suprême : un prix d’excellence, cette année, pour Philippe Teulier qui vient de l’obtenir au Salon international de l’Agriculture. La promue, c’est sa cuvée « Vieilles vignes », élevée dix-huit mois en vieux foudres et mise en bouteille entre deux ans et deux ans et demi après la vendange.
La distinction récompense la régularité du travail de ce vigneron du Vallon, un des plus petit vignoble de France qui, avec lui, fait ainsi un pied de nez aux plus grands qu’il devance dans tout le sud ouest. Vingt-deux prix d’excellence ont ainsi été attribués à Paris, toutes filières confondues et seulement douze, un par région, pour le monde viticole.
Vigneron par passion
Philippe Teulier est vigneron par passion. À son installation en 1984, l’exploitation familiale opte pour une mono production, la vigne. Le vin du Vallon est encore en VDQS (vin de qualité supérieure), l’appellation d’origine contrôlée, AOC, ne viendra qu’en 1990 mais le vigneron croit dur en un bel avenir pour le mansois malgré les crises successives qui ont pourtant secoué le vignoble de Marcillac. Il loue quelques parcelles, en achète d’autres, se bâtit un chai.
« Il me faut aller jusqu’au bout.Je ne saurais pas faire que du raisin.il me faut faire du vin », se justifie-t-il. Il n’a de cesse d’innover. On dit qu’il faut boire le marcillac dans l’année, qu’il vieillit mal.Philippe Teulier va s’attacher à prouver le contraire. Ainsi sont nées deux cuvées. «Lou sang del païs», d’abord, fruit d’une « vinification différente, charpenté, construit et pour lequel on s’est occupé de révéler le cépage, que l’on a voulu le plus typé possible. Un marcillac à boire tout simplement et qui révèle tous les fruits rouges.Il est poivré, typique ». L’autre cuvée, c’est « Vieilles vignes», « avec une approche plus terroir pour un marcillac qui se comporte dans le temps, jusqu’à dix ans sans problème et que l’on peut boire jeune », raconte le vigneron. Le prix ne monte pas à la tête du vigneron. Il se réjouit simplement pour les clients, particuliers, cavistes qui lui font confiance, ou encore les Bras, Fagegaltier et autre Fau qui l’on mis à leur carte.
Gladys Kichkoff

17.3.05

Dossier mars : du producteur au consommateur

De la campagne à la ville

Les marrons entiers à sec sous vide ou encore les crèmes de châtaigne nature, vanillée, mariée à de la compote de pommes ou de poire, au chocolat, ou bien au praliné et aux noix et enfin rhum raisin… C’est Chantal Clermont, une agricultrice du nord Aveyron, qui, après son beau-père François, a fait le pari fou de la châtaigne. Il a arraché et replanté les vergers entre 1982 et 1985, elle commercialise les fruits transformés. Conjointe d’exploitant, c’est un statut bâtard qui ne convenait pas à Chantal. L’aventure commence dans le Gard pour elle et son mari François, éleveur d’aubrac quand, avec une bétaillère bourrée de fruits, ils arrivent dans cet atelier de transformation dont ils avaient entendu parler. « Nous en sommes revenus avec pas mal de pots de marrons et pas une étiquette d’avance », se souvient l’agricultrice. Les fruits ainsi tranformés font un tabac. En moins de trois mois, il ne restait plus un pot. Qu’à cela ne tienne, le couple remet ça l’année d’après, avec une tonne de fruits, et c’est le même succès. Idem la troisième année avec 1,7 t. « Avec un verger d’altitude, nous n’avions pas d’autre choix que de les transformer.
Pendant des années, nous les avons amenés à une coopérative de Dordogne. Mais nos fruits arrivaient sur les marchés quand les cours s’effondraient ».
Au Salon de l’agriculture, Chantal et Jean-François Clermont rencontrent un couple de Valence qui ne vit que de la châtaigne. Ainsi est née l’idée de créer un atelier sur l’exploitation de Saint-Hyppolyte où désormais est transformée la production de l’agricultrice. « Du petit matériel car nous voulons rester de petits artisans », raconte-t-elle. La main-d’œuvre est, pour l’instant, familiale. Les enfants donnent un coup de main pendant les vacances et l’on réfléchit même à la création d’ un emploi à temps partiel. Cette année, 4 tonnes de marrons ont été transformées, une production vendue à la ferme, dans des épiceries fines ou classiques, auprès de restaurateurs ou encore sur les marchés de producteurs de pays l’été. En accompagnement de toutes les viandes, avec une salade verte, poêlés et servis tout chauds aux cotés de gésiers, la recette est en prime avec les pots de verre, il suffit de demander le conseil pour accommoder marigoules, bournettes, bétizacs ou autre précoces migoules des vergers de Saint-Hyppolyte. Il est livré avec le sourire.
Et pour ceux qui rêveraient de visiter les vergers, la ferme propose, pour les faire découvrir, une randonnée, qui s’inscrit dans le cadre de celle « Pleine nature » du nord Aveyron, le dernier dimanche du mois de juillet. Avec en prime, un marché de producteurs et un repas composé de leurs produits.
« C’est fabuleux, ça marche», s’enthousiasme l’agricultrice, qui compte, cette année, sur cent soixante convives.
Gladys Kichkoff

Une charcuterie authentique



Quelques vaches laitières, un élevage de porcs… les parents de Josian Reynier étaient agriculteurs sur une petite exploitation de 25 ha à Saint-Cyprien-sur-Dourdou. C’est dans les années 85, quand la crise a commencé à affecter la filière porcine, que le couple s’est lancé dans la transformation, une diversification à leurs yeux inévitable .
Au fil des ans, au prix d’un travail de qualité et régulier, la charcuterie de campagne de Grandval s’est fait une clientèle fidèle. Saucisson, saucisse sèche ou fraîche, jambon, poitrine roulée en sec, rôtis, filets mignons, chipolatas, fritons, fricandeaux et boudins… il ne manque rien sur l’étal des marchés de Laissac, le mardi matin, ou celui de Rodez, le vendredi après-midi. Pas question pour l’instant de se disperser et d’en chercher d’autres.
« Pour vendre, il faut fabriquer et cela prend beaucoup de temps. Aujourd’hui, les gens ne font plus confiance aussi facilement qu’autrefois. Il y a de l’intox partout.
Nous avons bataillé pour gagner notre clientèle. Si demain nous nous mettions à faire du produit industriel, cela ne rimerait plus à rien. Autant acheter pour revendre ».
Ce que le jeune agriculteur ne veut à aucun prix. Il est bien trop fier de la qualité de sa charcuterie traditionnelle. « La qualité, c’est une valeur sûre », insiste-t-il. De la même façon, il ne céderait pour rien au monde sa place au contact de sa clientèle ruthénoise ou laissagaise. « C’est important de savoir s’i les gens sont contents ».

Trois générations de marchés

La grand-mère de Fabien puis sa mère Rose-Marie et lui maintenant… Les mardis et vendredis matin à Decazeville, à Maurs le jeudi et à Firmi le samedi. Chez les Delagnes, les marchés sont une affaire qui marche. «Tout a commencé au temps du bassin minier, quand les petites exploitations allaient vendre le surplus de leur production sur la place de Decazeville », rappelle le jeune agriculteur dont les parents ont développé cette activité à la fermeture de l’usine en 1987. Avec l’arrivée de Fabien, c’est la filière du fromage de vache qui a pris de l’essor : une partie est vendue à des traiteurs ainsi qu’à quelques supermarchés. Frais, crémeux, sec… « Le petit vachou » ne manque pas d’adeptes et a fait la renommée du GAEC de Bouquiès. Quant aux légumes, choux, carottes, poireaux, salades sous serre l’hiver, haricots verts, blancs, tomates l’été, ils sont de saison et tous produits sur la ferme. « Cueillis et vendus dans la foulée. Cela ne traîne pas des semaines en chambre froide, et comme en plus nous savons à peu près ce qui sera vendu, il y a très peu de reste et quand il y en a, nous avons des cochons. C’est valorisé à la ferme », précise Fabien.

Crèmerie, marchés et supermarchés
Un fromage traditionnel au lait de vache comme il s’en est toujours fait dans la vallée du Lot, c’est la spécialité de Céline et Daniel Gimalac et Jérôme Ratier, de Bessuéjouls, tout près d’Espalion. Ils ont investi dans un atelier aux normes européennes, « obligatoires quand on livre crémiers, grandes surfaces et que l’on fait les marchés », explique la jeune femme. C’est sa belle-mère qui, en 1963, s’est lancée dans la transformation en vue d’obtenir un indispensable complément de revenu pour la petite exploitation. Une vraie pionnière qui « avait même passé son permis pour aller au marché de Rodez à cette époque. Dans le coin, elles n’étaient pas nombreuses à l’avoir », relève fièrement sa belle-fille qui, depuis, a repris le flambeau. Le délicieux fromage du GAEC des Deux-Causses est rapidement caillé, moulé, salé, séché, affiné une dizaine de jours quelquefois moins, parfois pas du tout. Il y en a pour tous les goûts.



Le marché parisien
Gilles Fau s’est installé sur l’exploitation de ses parents, au Fel, en pleine crise de la vache folle. Lui qui avait en projet de privilégier une filière de pur charolais a finalement développé l’élevage caprin de ses parents. Il double le cheptel et produit un cabécou qu’il livre à des restaurateurs et des petits supermarchés alentour et plus loin à des affineurs parisiens, un marché que la famille Fau s’est forgé depuis trois générations. Frais, sec, demi-sec ou encore piqueté de bleu, avec le crozétois, c’est le nom de son petit chèvre, Gilles Fau a parfois du mal à répondre à toutes les demandes. Il s’organise. Quand Paris, vidé de sa population, est moins demandeuse, c’est la « grosse » saison en Aveyron et dans le Cantal, pris d’assaut par les touristes. La traite et la transformation prennent du temps. Fournir toue l’année impose des contraintes et comme la main-d’œuvre est familiale, le jeune agriculteur du nord Aveyron a décidé de ne pas faire les marchés.

9.3.05

Colloque « Un Choix, un métier : agricultrice

Ces femmes de la terre

Chefs d’exploitation, syndicalistes, militantes, mères de familles… avec un dénominateur commun : l’agriculture. Femmes de toutes générations, elles ont témoigné, hier, dans le cadre de la journée de la Femme, de leur condition, de leur vie en milieu rural, dans les fermes, les organisations syndicales, comme élue à la Chambre, de ce qui a été et est aujourd’hui leur monde agricole. Une entame passionnante qui augurait d’un débat tout aussi passionné.
Parce qu’« il est bon de savoir d’où l’on vient », Marie-Thérèse Lacombe a choisi de parler des femmes, « il y a seulement cinquante ans en arrière, quand les filles rêvaient au prince charmant pour échapper à la condition de paysannes. Que de souffrances ravalées pour ces femmes sans indépendance financière, dont les seules sorties se résumaient à la messe et aux vêpres et les seuls voyages à Lourdes, à se débrouiller avec la basse-cour pour faire rentrer quelques sous », se rappelle la militante qui, pendant que son mari s’engageait dans le syndicalisme, a œuvré au sein des groupements de vulgarisation. « Les femmes pouvaient enfin se rencontrer ». Il y a eu les premiers exercices de comptabilité, les premiers veaux, agneaux et porcelets d’élevage, des conseils en matière d’habitat… « Un travail énorme fourni par les femmes, dont l’Aveyron ne s’est pas rendu compte. Le travail de base, celui qui compte, ce sont elles qui l’ont fait ».
commission féminine
Comme Sylvette Hermet, venue à l’agriculture « par amour et non par choix » en se mariant avec un agriculteur du nord Aveyron. « Je me suis intéressée aux volailles et aux lapins que je vendais très bien par le bouche à oreille », raconte-t-elle avant d’enchaîner sur ses débuts dans le syndicalisme et son élection à la tête de la commission féminine de la FDSEA il y a vingt-cinq ans. « C’était dur de se faire accepter. Je me suis accrochée parce que j’y croyais ». Elle a cru aux droits des femmes également, celles qui vendaient leurs produits au marché d’Espalion, aux emplacements envahis par les revendeurs. Un premier marché de pays défendu par cette militante qui, depuis, en a fédéré de nombreux autres. « 30 aujourd’hui en Aveyron, 28 l’été, 2 à l’année, 6 à Noël. la démarche a plu à des départements limitrophes : Lot, Corrèze… Ils sont 16 aujourd’hui, régis par une fédération des marchés de producteurs de pays ». Et d’expliquer : « Cette valeur ajoutée pour moi pouvait être la sauvegarde de certaines exploitations ».
Autre témoignage, Marie-Pierre Lanne, en GAEC avec sa sœur et dans le nord Aveyron, où elles élèvent des aubracs. « Le travail rythmé par les saisons, la récolte des foins, la surveillance des estives, le nourrissage et le vêlage… une vision bucolique », raconte-t-elle avant de rendre hommage à ces femmes qui les ont précédées, à qui elles doivent tant.
Avec Patricia Crespin, c’est une mère de famille de trois enfants qui témoigne. Les contraintes, les difficultés à trouver un salarié pour la remplacer quelques heures matin et soir, l’organisation du couple, le précieux coup de main des grands-parents qui gardent les enfants et, enfin, la « nounou », une jeune voisine qui accepte de s’en occuper à la maison tous les matins, dimanches compris. Viviane et Pierre Gaillac expliquent leur GAEC et l’arrivée d’un couple ami sur l’exploitation. « Une aubaine pour moi. Je ne travaillais plus toute seule quand mon mari n’était pas là. J’ai l’impression d’être privilégiée : j’ai des vacances, un week-end sur deux ». Même s’il reste encore à faire, le monde change. Quelles femmes s’en plaindraient ?
Gladys Kichkoff