La Dépêche agri

3.7.06

La grogne gagne les producteurs de lait

Nous avions négocié des accords le 26 janvier dernier, aujourd'hui battus en brèche par l'entreprise Lactalis qui prélève 2,36 €/1 000 l de lait à ses producteurs », monte au créneau Pierre At, président de la fédération régionale de producteurs de lait. Il explique comment l'accord, qui fixait des recommandations nationales sur le prix du lait, prévoyait, en outre, une mesure dérogatoire afin de tenir compte des projets de restructuration d'entreprise après examen en aval d'un comité des sages. « En le signant, Lactalis savait que Sodiaal avait l'intention de recourir à cette procédure pour un projet visant à redresser le marché du lait de consommation », commente le chef de file des laitiers. « Nous sommes pris en otage et cela se traduit directement sur nos revenus. Aujourd'hui, nous disons «stop», trop c'est trop. Nous sommes dans un contexte typique en Aveyron où l'on a besoin et des producteurs et des entreprises, il faut une cohésion entre les deux », estime, pour sa part, Michel Costes, président du CODIL, interprofession laitière du département . Pour Bernard Albouy, le coprésident: « Lactalis qui prélève cet argent à chacun de ses 20 000 producteurs n'a pas dit ce qu'il comptait en faire. C'est du profit pur et simple ». « Multipliez ces 2,36 € par 150 tonnes de lait et regardez ce que cela donne pour un producteur moyen », engage Thierry Chambert. Pour Pierre At, les producteurs n'ont pas à faire les frais d'une guerre entre les deux groupes. Ce qu'il retient « c'est que que Lactalis ne respecte pas ses producteurs ». « Nous ne sommes pas consultés mais cisaillés systématiquement. Lactalis est l'entreprise n° 1 au niveau national, réalise des performances économiques exceptionnelles et perturbe le monde du lait », râle Michel Costes qui espère « en une issue honorable pour tous. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation critique ».
MOBILISÉS
Pierre At prévient : «Labels et interprofession sont prêts à se mobiliser, plusieurs jours s'il le faut pour obtenir des accords écrits et respectés par tous». Faute de quoi, les laitiers envisageront un blocage « dans le respect des biens et des personnes». D'autres plus radicaux n'excluent pas de ne plus livrer les laiteries. « L'exaspération est telle», commente Thierry Chambert. «Nous essaierons d'éviter les dérapages », s'engage Pierre At, tandis que Michel Costes évoque la grande concertation des responsables départementaux qui les a amenés à envisager de passer à l'action. « Aujourd'hui, nous sommes dans une situation sans issue. Nous n'avons d'autres solutions que de nous rapprocher des sites pour dialoguer ». Bernard Albouy témoigne, lui, du désarroi des éleveurs. « Nous en sommes à un point où nous végétons et comme nous ne pouvons plus investir, il n'y a plus de rendement. Chez nous, on ne fait pas faillite d'un coup. La première année de SÉCHERESSE, on vend une vache ou deux, d'autres, la seconde année. Nous en sommes à ce stade».
Pour l'instant, les producteurs sont suspendus à la réunion de l'interprofession du 12 juillet qu'ils espèrent voir avancer. « Et puis, Lactalis peut aussi changer d'attitude », n'écarte pas Pierre At.
Gladys Kichkoff