La Dépêche en sud Aveyron

28.8.04

Edition du samedi 28 août

Agriculture. Le leader de la Confédération paysanne qui risque 10 ans de prison veut faire plier la justice pour qu’elle entende tous les faucheurs volontaires.

José Bové réclame un procès collectif

Notre action fera date dans l’histoire de la démocratie. » Souriant sous sa moustache, José Bové ne mâchait pas ses mots, hier matin, à sa sortie de la gendarmerie de Millau où venait de lui être remise – ainsi qu’à Jean-Baptiste Libouban – une convocation pour l’audience correctionnelle du tribunal de Toulouse du 16 septembre pour répondre d’un arrachage de maïs transgénique, le 25 juillet dernier à Menville (Haute-Garonne). Historique, « la reconnaissance, pour la première fois, de notre action collective, de la désobéissance civile », indiquait l’ancien – mais toujours omniprésent – porte-parole de la Confédération paysanne au terme d’une folle matinée.
Arrivé dans sa voiture à 10h30, José Bové a été accueilli par une cinquantaine de sympathisants et militants dont des représentants des Verts, du PS et du PCF ; une troupe qui s’est vite retrouvée près de 200 lorsque sont arrivés les trois autres convoqués : Jean-Emile Sanchez, porte-parole de la Confédération paysanne, Jean-Baptiste Libouban, responsable du collectif des faucheurs volontaires et Christian Roucayrol (lire ci-contre).
Tandis qu’autocollants et T-shirt au logo des faucheurs partaient comme des petits pains, des militants présents à Menville signaient des pouvoirs réclamant d’être entendus par les gendarmes. Un point clé de la stratégie mise en place par les anti-OGM. « Dans sa propre convocation, le parquet de Toulouse indique une action en groupe de plus de 400 personnes. Pourquoi n’en convoquer que quelques-unes alors que tous sont identifiables ? Il y a eu discrimination et la volonté délibérée d’identifier élus et responsable syndicaux. C’est choquant », estime José Bové qui rappelle que, récidiviste, il risque dix ans de prison et 150000 € d’amende pour avoir arraché un seul pied de maïs.
« tous des faucheurs »
À 11h30, avec une demi-heure de retard, les convoqués s’apprêtent à entrer dans la cour de la gendarmerie.A la surprise des militaires, un mouvement de foule s’opère ; le portail est rapidement forcé et les manifestants pénètrent dans la cour, difficilement contenus par les gendarmes, aux cris de « On est tous des faucheurs. » Mégaphone en main, José Bové appelle au calme et indique qu’il va demander à la brigade de recherches (BR) de Toulouse qui mène l’enquête de bien vouloir auditionner tous les faucheurs qui le souhaitent. Un quart d’heure après, une réponse positive arrive : la BR propose aux faucheurs de remplir une « fiche de renseignements » de demande d’audition ; d’évidence préparée depuis le matin. Les gendarmes installent deux tables dans la cour et un étonnant spectacle commence avec une cohue pour remplir les fiches qui seront une centaine à être signée et jointe à l’enquête. « C’est une situation extraordinaire, c’est la première fois que cela se produit », exulte José Bové avant de retourner terminer son audition.
à sa sortie, convocation pour le tribunal en main, le leader syndical se félicite d’un moment historique – « le Parquet, la procédure ont été obligés de reconnaître l’action collective » – et évoque d’emblée la suite. « On n’acceptera pas un procès au rabais avec quelques personnes prises en otages. Ou nous seront tous à la barre, ou il n’y aura personne », prévient José Bové, qui annonce que son avocat, Me Roux, va demander le report d’un procès qui apparaît désormais comme un vrai casse-tête pour le ministre de la Justice.
Philippe Rioux

4 gendarmes blessés : pas de poursuites
Dans la bousculade, au moment du forçage du portail, quatre gendarmes ont été légèrement blessés et souffrent de diverses contusions aux jambes, genoux, main et paupière. Si la gendarmerie a affiché d’emblée son souci d’ « apaisement » en n’envisageant pas de porter plainte, le lieutenant-colonel Grimal, qui était sur place au moment des faits, indiquait, hier à La Dépêche, qu’il se réservait toutefois « le temps de la réflexion » durant ce week-end. Hier à 16h30, Marina Jourdain, substitut du procureur de la République de Millau, a ordonné que soient effectuées des expertises médicales pour apprécier les « blessures légères » avec « l’étalon de l’ITT. » « Ces blessures semblent résulter de circonstances accidentelles et pas d’une intention de nuire ou de porter des coups aux gendarmes », estimait hier la substitut. – Ph. R.



Fauchage. José Bové a appelé à un 3e rassemblement à Auch le 5 septembre.

Une autre action anti-OGM dans le Gers

À plusieurs moments de la matinée, lors de ses prises de parole et à sa sortie, José Bové a lancé un appel à la mobilisation pour le 3e rassemblement des faucheurs volontaires qui se déroulera dimanche 5 septembre prochain à 14 heures à Auch (Gers). « Àprès les rassemblements du 25 juillet et du 14 août, nous vous proposons de poursuivre notre mouvement de désobéissance civile face aux OGM par un nouveau fauchage public et à visage découvert d’un essai en plein champ dans le Gers. Malgré les menaces de M.Perben, ministre de la Justice et les premières poursuites judiciaires contre des faucheurs, la détermination collective grandit et le nombre de faucheurs volontaires ne cesse de croître. Les OGM hors de nos champs et de nos assiettes », indique le tract distribué hier. José Bové, s’il n’a pas confirmé qu’il fauchera, a assuré en revanche qu’il serait présent. « Ce sont des actions, un mouvement collectif qu’on mènera jusqu’à la fin des essais en plein champ. Tant qu’il y aura des OGM, nous continuerons l’action de décontamination des campagnes », déclarait José Bové.
Ph. R.

Christian Roucayrol convoqué devant le tribunal de Riom
Entendu, hier matin, comme témoin dans le cadre de l’enquête sur les incidents survenus en marge de l’action de fauchage de Marsat (Puy-de-Dôme) le 14 août, Christian Roucayrol est ressorti de la gendarmerie avec une convocation devant le tribunal de Riom pour le 30 septembre pour y répondre de violences sur un gendarme ayant entraîné une interruption temporaire de travail supérieure à 8 jours. M.Roucayrol a été formellement reconnu sur photo par le gendarme. Les militants présents hier ont protesté l’annonce de cette convocation, rappelant «la violence des forces de l’ordre» à leur égard ce jour-là. Le 30 septembre, une manifestation est d’ores et déjà prévue.