La Dépêche en sud Aveyron

11.2.05

Edition du vendredi 11 février



Justice. Poursuivi pour une action contre le siège de Nestlé.

José Bové mis en examen par un juge suisse

José Bové, ancien porte-parole international de la Confédération paysanne, a été mis en examen, hier, par un juge d’instruction de l’arrondissement de l’Est Vaudois (Suisse), Hervé Nicod, pour « dommages à la propriété ; violation de domicile ; menaces ; contrainte et émeute. » Des faits passibles de prison et d’amende. La mise en examen a été signifiée au leader paysan par la juge d’instruction millavoise Danièle Novis, agissant dans le cadre d’une commission rogatoire internationale. Arrivé peu après 14 heures au palais de justice de Millau en compagnie de son avocat, Me François Roux, José Bové est ressorti une heure plus tard avec une mise en examen qui ne le surprenait pas.
Au cours d’une conférence de presse, le syndicaliste est revenu sur la genèse de cette affaire. Tout s’est passé le 28 mars 2003. La veille d’une importante réunion préparatoire aux négociations agricoles de l’OMC de Cancun et qui devait se tenir à Genève, l’organisation internationale Via Campesina avait appelé des paysans français, espagnols, italiens, suisses, allemands et belges à manifester devant le siège de Nestlé international à Vauvay. La firme agroalimentaire était prise pour cible car « symbole d’une multinationale exploitant les paysans du nord et du sud. »
Quelque 250 personnes manifestaient autour du building de vingt étages protégé par la police. « Il y a eu une échauffourée ; le battant d’une porte vitrée a cédé. Puis une délégation de six personnes a été reçue par la direction », se remémore José Bové. L’ouverture d’information judiciaire consécutive à la plainte de Nestlé vise, selon M. Bové, huit personnes dont deux députés suisses protégés par leur immunité. Outre José Bové, Jean-Michel Sauvage, porte-parole de la Confédération paysanne du Nord et 2e ressortissant français impliqué dans ce dossier, a été également entendu et mis en examen dernièrement.
Pipe à la bouche et l’œil rieur, José Bové s’amuse de la phrase – une boutade – que le juge suisse lui reproche d’avoir prononcé : « faire subir au bâtiment de Nestlé le même sort que celui du Mc’Do de Millau. » Me Roux de son côté attend avec autant de sérénité que de gourmandise une convocation et un éventuel procès en Suisse. « Notre idée est de voir si la comparution volontaire existe en Suisse. Le cas échéant, nous l’exporterons », s’amuse le ténor du barreau de Montpellier, qui fait allusion aux décisions des tribunaux correctionnels de Toulouse et de Riom d’entendre tous les faucheurs volontaires qui le réclamaient.
Délaissant pour l’instant cette singulière procédure suisse, José Bové et son avocat préparent l’audience d’appel du 17 mars prochain à Toulouse pour défendre la notion d’ « action collective » et permettre aux 212 faucheurs volontaires d’être jugés chacun pour l’arrachage d’un plant de maïs transgénique dans le Gers cet été.
Philippe Rioux

Tourisme. Le jury national a tranché.

Millau rate sa 4e fleur

La Ville de Millau en rêvait mais le conseil national des villes et villages fleuris (CNVVF) n’a pas suivi pour accorder à la cité du gant la 4e fleur, distinction qui confère aux communes une notoriété certaine.
Le 7 juillet dernier, lors de la visite du jury, tout semblait bien parti. Anna Schirm, directrice du CNVVF, Joëlle Weill, de la direction de l’architecture et du patrimoine au ministère de la Culture et de la Communication, et Jacques Postic, président e l’association française des directeurs de jardins et d’espaces verts publics s’étaient vu remettre un épais et séduisant dossier préparé par les services Espaces Verts et Cadre de vie, respectivement dirigés par Bernard Combes et Gérard Eychenne. Mme Shirm avait alors indiqué que « le premier contact est extrêmement favorable » ; rappelant toutefois que si Millau avait – déjà – loupé sa 4e fleur l’année d’avant, c’était parce que les fleurissements ne s’intégraient pas assez dans le cadre d’actions croisées avec d’autres domaines.
C’est peu ou prou pour les mêmes raisons que Millau rate sa 4e fleur à nouveau, après la décision du jury, réuni en séance plénière le 17 novembre dernier.
« Le jury n’a pas découvert à Millau l’aspect événementiel autour du fleurissement, le coup de cœur qui distingue un très bon classement Trois Fleurs » d’un classement Quatre Fleurs », explique Laurent Drajkowski, directeur de la communication de la Ville. En revanche, tous les critères pour la 3e fleur sont bel et bien là « : propreté irréprochable, bonne gestion de tous les espaces y compris de la zone commerciale et industrielle, belles rénovations urbaines et de voirie. De plus, la commune est riche d’un patrimoine historique de premier plan, parfaitement entretenu et valorisé », précise M. Drajkowski.
Et de poursuivre : « Sur le plan de la gestion des espaces verts et du fleurissement, le service fait preuve d’une bonne compétence professionnelle, le travail est sérieux, soigné. Les réalisations montrées sont de qualité : le Jardin de la Mairie, le Parc de la Victoire, le Jardin botanique même si le très fort vent et les grosses pluies du matin n’ont peut-être pas permis d’apprécier pleinement ces réalisations »
Pour l’heure, la Ville n’a pas encore décidé si elle allait à nouveau être candidate à cette 4e fleur retorse. Un comité de pilotage se penchera prochainement sur la question.
Philippe Rioux



Social. Entre 700 et 1000 manifestants, hier matin.

Site EDF : première lutte

Trois heures durant hier matin entre 700 personnes selon la police et un millier selon les organisateurs ont défilé dans les rues de Saint-Affrique pour s’opposer à la fermeture du site de formation EDF-GDF. En effet, le 15 février prochain à Paris, un comité d’entreprise d’Électricité de France se réunit pour examiner « l’optimisation » du site de Saint-Affrique ; une fermeture qui ne dit pas son nom selon l’intersyndicale CGT, FO, CFTC qui appelait à manifester ce jeudi.
« Le service de formation professionnelle d’EDF-GDF, 2e après celui de l’Éducation nationale, concerne 2 000 salariés dont 1 000 formateurs répartis sur une vingtaine de sites harmonieusement implantés », explique Christian Bonnecaze, ancien agent EDF et élu PCF de Sainte-Tulle (Alpes-de-Haute-Provence) où est installé un centre de formation. « Aujourd’hui, nous dénonçons le désengagement d’EDF dans la formation. Si l’on supprime Saint-Affrique, il n’y aura aucun centre de formation dans le grand sud ouest. Où iront les stagiaires? », interroge le militant. A ses côtés, des électriciens sud Aveyronnais déplorent qu’ils doivent, pour deux jours à peine, partir à Genevilliers (Hauts-de-Seine).
« EDF joue sur les mots. Il ne parle pas de fermeture mais opère une subtile substitution : ce n’est plus EDF qui gérera les formations mais l’Institut supérieur de formation aux métiers de l’énergie (IFSME, déjà implanté à Saint-Affrique sous forme de groupement d’intérêt économique, ndlr). Or l’IFSME ne s’occupait pas des formations touchant au cœur de métier d’EDF. C’est pour cela que Saint-Affrique est symbolique d’une dérive », détaille M. Bonnecaze.
À l’heure de l’ouverture du capital d’EDF-GDF, « l’optimisation » du site de Saint-Affrique – qui a déjà perdu son école de métiers en 1997 et son centre de production hydraulique deux ans plus tard – mobilise les syndicats maison au niveau national. Les représentants nationaux de chacun avaient fait hier le déplacement pour « exiger une expertise » et « un moratoire sur toute fermeture » (CGT) ; pour réclamer « le retrait du dossier » et l’arrêt du « sabordage » de la formation (FO) ; pour chercher « des solutions alternatives par le biais de l’apprentissage et de la valorisation des métiers d’énergéticien » (CFTC). Heureux, et parfois surpris, de la mobilisation d’hier, les agents d’EDF-GDF, et particulièrement les 57 personnels actuellement en poste à Saint-Affrique, entendent maintenir la pression et impliquer la population. « Cette première action, c’est un premier avertissement », concluait ainsi le maire PS Alain Fauconnier.
Philippe Rioux

Ils ont dit...
> Alain Fauconnier. « Nous ne refusons pas l’évolution mais le départ d’EDF. Dès l’instant où EDF acceptera le principe de sa présence sur ce site pour de la formation, en association avec d’autres acteurs – comme la Région qui est prête à s’engager – la discussion s’ouvrira et les choses s’apaiseront. Cette fermeture relève de la même logique, fait référence aux mêmes contre-valeurs que pour le dossier de l’hôpital et cela provoquera la même réaction de la population, celle d’un devoir de résistance. »
> Jean-Luc Malet. « Ce n’est pas un baroud d’honneur. Sur le plan local, la lutte commence ; sur le plan national elle va s’intensifier. »
> Jean Milési. « Les services publics ne sont pas la propriété du gouvernement mais de l’État, c’est-à-dire du peuple et le peuple… c’est nous ! », martelait le conseiller général, précisant que le Département, solidaire, attendait une réponse de la préfète.


Sur les banderoles…
>… des élus : « Tous ensemble avec les agents EDF. Région, Département, collectivités locales. Défendons la formation pour un territoire du sud Aveyron vivant. »
>… de l’intersyndicale : « Tous ensemble pour Saint-Affrique, service public moderne rénové » ; « Pour une formation adaptée aux personnels et au service public » ; « Non à la casse de la formation. Oui à un service public de qualité. »


La porte du député Jacques Godfrain enfoncée
Le long parcours de la manifestation s’est un moment arrêté au 8, rue Lamartine, où se trouve la permanence du député UMP Jacques Godfrain. Plusieurs manifestants ont alors collé sur la porte des autocollants « EDF-GDFappartient à la nation » tandis que d’autres scandaient des slogans hostiles au député.
Alors que le cortège reprenait sa marche, sortant du rang, trois manifestants se sont emparés d’une lourde jardinière installée devant la maison du député puis l’ont fait basculer contre la porte d’entrée ; ouvrant celle-ci et empêchant sa fermeture.
Contacté hier par La Dépêche, M. Godfrain n’a pas souhaité commenter plus avant l’incident. « Il y a des gestes qui se retournent contre leurs auteurs », estime l’ancien ministre.
Concernant l’évolution du statut d’EDF, M. Godfrain observe que « d’un côté, on ne peut pas se réjouir de voir EDF exporter son savoir-faire l’étranger et de l’autre conserver un statut qui ne correspond plus au monde moderne », analyse le parlementaire.
Concernant plus particulièrement le site de formation d’EDF à Saint-Affrique, Jacques Godfrain entend rappeler que « il y a 12 ans, lorsque EDF a dit que ses formations seraient menées désormais par l’Éducation nationale, personne n’a bougé sauf [lui]. » « Maintenant, qu’EDF aide à la création d’activités nouvelles à Saint-Affrique, je le demande et je l’exige. Il vaut lieux dépenses notre énergie là-dessus que sur une fermeture qui est inéluctable. »
Ph. R.