La Dépêche en sud Aveyron

22.4.05

Edition du vendredi 22 avril



Culture. Charles d’Estève de Pradel poursuit son travail littéraire, un itinéraire exigeant et passionnant.

Créateur de livres

Non sans malice, Charles d’Estève de Pradel se définit comme « bouilleur de mots. » Une expression qui renvoie à la patience, la passion, l’émotion, le côté artisanal nourri à l’« authentique » de Pagnol dont fait preuve ce natif de Millau expatrié en Vendée, pour qualifier son travail. Plus terre à terre, créateur de livres – comme d’autres le sont de haute couture – conviendrait tout autant car celui qui, après une carrière de juriste dans une grande entreprise, s’est plongé dans l’écriture au point d’animer un atelier à Luçon, conçoit ses livres de A à Z. Des livres « à voir et à lire », comme il se plaît à le dire. « Après quatre années d’activité dans une galerie d’art que j’avais montée puis fermée, j’ai commencé à travailler sur le livre depuis 1997 ; des livres rares qui tendent vers la bibliophilie », explique l’écrivain. Ainsi, chacun des quelque vingt ouvrages déjà parus – dont une majorité aux « Éditions des introuvables », jolie métaphore pour dire publiés à compte d’auteur – présentent un format différent, du petit livre de poche au papier choisi, jusqu’au livre-géant qui atteint le mètre de longueur une fois ouvert. La conception de certains de ces livres donne d’ailleurs l’occasion à Charles d’Estève de Pradel de nouer des collaborations avec d’autres artistes, photographes, plasticiens, etc. Lui-même n’hésite pas à prendre le pinceau ou le fusain pour illustrer ses poèmes ou aphorismes, deux genres dans lesquels il excelle. « Je conçois un livre comme un peintre son tableau », explique l’ancien étudiant des Beaux-Arts, qui, plus que tout, veut privilégier dans son œuvre « la qualité. »
Son itinéraire artistique touche-à-tout lui est aujourd’hui précieux pour réaliser la troisième étape de son activité. Après la création des textes tour à tour empreints d’humour ou de gravité puis la fabrication minutieuse des ouvrages vient, en effet, la diffusion de ceux-ci. Si la maison d’édition du poète millavois, Sol’Air, basée à Nantes, peut diffuser certains des ouvrages en librairie, la majorité des livres de Charles d’Estève de Pradel sont proposés directement par l’intéressé qui, rétif aux impersonnels salons du livre, n’a pas son pareil pour séduire les bibliothèques ou les petites librairies pour accueillir des manifestations qu’il organise. D’ailleurs, l’an passé, la bibliothèque de Millau recevait une exposition de sa conception et les rues de la Ville des banderoles originales signées d’un vers du poète, auteur d’un savoureux « Millau, architecture d’une émotion. »
Lors de ses rencontres avec son public – dont les rangs gagnent toujours plus de fidèles – Charles d’Estève de Pradel fait partager sa passion du beau livre et celle, qu’il veut intimement liée, de la poésie. Cette poésie dont il constate qu’elle indiffère les éditeurs, mais dont il sait qu’elle raisonne en chacun de nous comme le puissant et mystérieux « chant intérieur » dont parlait Chateaubriand.
Philippe Rioux

Dédicaces
Charles d’Estève de Pradel sera à la librairie Comédia samedi 30 avril de 15 à 19 heures. Il y dédicacera ses trois derniers ouvrages. « Paysages du renouveau », textes poétiques illustrés de photographie de Corinne Baratelli. « Chaises ; états de sièges », un petit livret humoristique. « Éclats d’Orient », un superbe livre-coffret.


Philatélie. Le château et la gare à l’honneur.

Un 4e Prêt à poster pour Sévérac

En ce début de semaine, Bernard Seillier, maire de Sévérac, avait convié en la salle du conseil, François Thez, directeur de la Poste de l’Aveyron et François Molinié, chef d’établissement par intérim de la Poste du chef-lieu de canton, afin de sceller le partenariat de réalisation du nouveau « Prêt à poster. » Deux photographies illustrent ces 10 000 enveloppes éditées : une vue de la cour intérieure du château et l’autre vue qui témoigne d’un autre passé de la cité, l’importance de la gare SNCF agrémentée d’une fontaine.
Figure aussi sur l’enveloppe le logo de la commune. Moins d’un an après la troisième édition, « ce Prêt à poster récidiviste, instrument de publicité, qui cumule pas moins de 35 000 tirages en quatre ans, soulignera dans son propos, François Thez, révèle une première : celle d’être l’unique commune à avoir réalisé avec l’établissement public un quatrième partenariat. »
Par sa contribution au développement du patrimoine local, ce service public a, depuis 1999, en Aveyron, donné la possibilité à des collectivités publiques, de personnaliser des séries limitées d’enveloppes prétimbrées. Pour Sévérac, ce concours, depuis juillet 2001, recèle une appropriation de la place de l’écrit, sur son contenant comme dans son contenu adressé à votre famille, à vos amis. Bernard Seillier, relèvera aussi « cette envie d’écrire et de communiquer qui ressort de cette modernité renouvelée en plusieurs facettes transmises par ce Prêt à poster. » Et, responsables d’établissements scolaires comme collectionneurs n’ont pas manqué d’acheter, voire de faire oblitérer les premiers exemplaires vendus sur place.
Bernard Barascud

Echos d'Europe

Le match

par Louis Valès, ancien maire d’Aguessac
Les Français d’aujourd’hui adorent les matchs sportifs et montent au pinacle leurs idoles […] On n’a rien inventé sous le soleil et les Romains disaient « du pain et des jeux », nous savons ce qu’il advint d’un tel programme : 1 000 ans d’arrêt brutal de la civilisation pour une Europe qui sombra dans une féroce anarchie. Il y a 50 ans, un immense espoir s’est levé avec la naissance d’un embryon d’Europe unie dans la paix. Cet espoir a pris forme cahin-caha, malgré les luttes de retardement voulues par les hommes politiques de tous pays acharnés à défendre des intérêts nationaux plus ou moins justifiés. Nous voici aujourd’hui devant une nouvelle phase tout aussi importante sinon plus que le premier traité des pères fondateurs. Hélas, que voyons-nous en France ? Une montée en puissance des partisans du non et du vote le plus imbécile que nous ayons connu. Vote qui amènera Le Pen et ses amis, grands admirateurs des épouvantables massacres nazis au second tour de l’élection présidentielle. Aujourd’hui, Le Pen fait voter non et c’est normal. Le Vicomte aussi et c’est normal, il rêve encore de la France de la Louis XIV. L’extrême gauche aussi et c’est encore normal, ils en sont encore en 1917 et à la très humaine et charmeuse utopie qui se termina dans les goulags staliniens. Mais que les Socialistes se divisent entre oui et non est beaucoup moins normal. Vouloir transformer ce référendum en choix interne pour désigner leur futur candidat à l’élection présidentielle frise l’imbécillité.
Nous voyons aujourd’hui les partisans du non brandir quelques articles du projet constitutionnel. Chaque fois qu’un article est cité [par eux] j’ai pu constater que bien souvent [il] est faussement interprété ou ne contient pas le sujet contesté. Je reconnais que le texte constitutionnel peut paraître indigeste aux profanes que nous sommes mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un compromis ou chaque nation a défendu bec et ongles ses propres intérêts. Dans ce texte, il n’y a ni vainqueurs, ni vaincus mais un compromis de concessions réciproques et c’est déjà admirable. Il y a bien moins de libéralisme que dans le mauvais traité de Nice qui régit actuellement l’Europe. Le projet comporte 50 % d’articles de base qui figurent à peu près dans toutes les constitutions d’États vraiment démocratiques ; 30 % sont propres à l’Europe et règlement avec une grande précision les votes à la majorité […] ; 20 % ont trait à un progrès social incontestable.
À nous d’admettre que les quelques ambiguïtés du texte, qui ont la joie des partisans du non, ne sont pas des pièges infernaux mais, au contraire, des barrières de sauvegarde dont disposera l’assemblée européenne. En fait, ils constituent la meilleure des garanties démocratiques pour un pas décisif et continu vers l’avenir. La responsabilité qui est la nôtre à tous est immense. Un oui nous permettra de sortir enfin de cette stagnation résultant du désastreux traité de Nice et reprendre la marche de l’Europe vers notre avenir. Un non prolongerait indéfiniment l’inconsistance de l’Europe actuelle dans une attente irréaliste et vraiment utopique.